© Lola Lemettre
Interviews

NOSFELL, INTERVIEW, PDB 2014

© Lola Lemettre

Nosfell est une sorte d’ovni dans la chanson, un personnage atypique et attachant qui livre des albums superbes, comme son dernier, « Amour massif » et signe de très belles collaborations (Dick Annegarn, Bertrand Belin, Dominique A…).  Après une heure et demie de concert, il arrive en s’excusant humblement de ses 3 minutes de retard, nous regarde comme si nous étions les personnes les plus intéressantes du monde et qu’il avait tout son temps. Après ces quelques jours de Printemps la tête saturée de décibels, la rencontre avec Nosfell fut un moment d’enchantement. Le sentiment d’avoir croisé une –très- belle âme. Avis aux programmateurs, il aime beaucoup Tours et adorerait y jouer !

On t’a vu au festival d’Angoulême avec Charles Berbérian.

Non ! C’est vrai que le programmateur est venu me voir plusieurs fois, mais il n’aime pas ce que je fais, ça ne l’intéresse pas, mais ce n’est pas très grave ! J’aimerais beaucoup jouer avec Charles, c’est un ami, je l’adore !

Ton rapport à la BD ?

Déjà, je peux parler d’un livre que j’ai fait avec un ami auteur de BD, Ludovic Debeurme. J’ai écrit un opéra qui a été arrangé par mon ex-collaborateur Pierre Le Bourgeois (un ancien de Jazz à Tours). On a enregistré dans la langue que j’ai inventée (le klokobetz) et je voulais en faire un livre, puisqu’il s’agit d’un conte. On a donc édité un livre-disque chez Futuropolis. J’ai un rapport très fusionnel avec la BD. Des auteurs comme Berbérian… Charles, au-delà d’être un être exquis, est un super musicien, très bon improvisateur, raconteur d’histoires fabuleux. J’aime le côté populaire de la BD et la manière dont elle est en train d’évoluer ailleurs que dans la culture populaire-populaire. La composition d’images est au même niveau que l’écriture. On a en France des artistes exceptionnels, qui participent de cette nécessité de se sortir des clichés, genre « les livres d’images sont pour les enfants ».

Tu parlais de ta langue : aurais-tu aimé partager l’expérience d’un Christian Vander dans Magma ?

On m’a souvent parlé de leur travail. Mais c’est différent. La langue que j’ai souvent chantée me vient de mon père. C’était un polyglotte, autodidacte, pas universitaire, un voyageur qui faisait du business mais on ne savait pas trop lequel. Beaucoup d’étrangers venaient à la maison.

Combien de langues parlait-il ?

7 ! J’ai été fils unique pendant 10 ans. Comme beaucoup de pères, c’était un père absent, et il avait cette manie de me réveiller la nuit entre mes 7 et 11 ans. Il fallait que je lui raconte mes rêves, pour créer une sorte de connivence. Il avait la nostalgie de son pays, il était berbère, d’autant qu’il était issu d’une famille qui était assez isolée dans les montagnes et qui avait des responsabilités dans le village, qui était difficile à joindre. Il partait souvent dans ses histoires de famille. Ma grand-mère était chamane, elle soignait, elle faisait la toilette des morts. Il racontait souvent ça, et parfois il partait dans des dialogues avec des langues que je ne comprenais pas. Et alors que je savais à peine écrire, il me faisait noter des mots, sur des bouts de papier

Il mélangeait toutes les langues ?

Je pense que oui. Il a disparu assez brutalement, et j’ai gardé ces listes de mots comme des fétiches. A des moments un peu de crise, je les récitais. Plus tard j’ai fait des études de langues et j’ai cherché le sens de ces mots. Je n’ai pas trouvé, du coup j’ai donné un sens de façon arbitraire, et c’est devenu la base étymologique de mon langage. Ensuite, j’ai structuré la langue en essayant de me souvenir de ce que j’appelle la musique de mon père. Je l’ai d’abord beaucoup pratiquée oralement, l’écriture est venue par la suite. Au début avec l’alphabet latin, ensuite en utilisant des graphèmes. C’est un travail abyssal que de crée un vocable qui n’est pas rattaché à une culture ! Quand je l’ai intégrée à ma musique, je l’ai donc associée aux histoires que je me racontais étant enfant et de celles de mon père, pour ne pas les oublier. C’est pourquoi je suis très attaché à la tradition orale. J’imaginais ça tout à l’heure, que la BD pouvait être une forme moderne de tradition orale, comme si nos sociétés modernes en avaient besoin, parce que tout était inscrit, tout était répertorié, alors que raconter avec des perspectives, des points de fuite, ça raconte d’autres histoires. Chaque fois que je pratique cette langue, j’active des leviers.  Pour en revenir à Magma, que j’aime beaucoup par ailleurs, ce n’est pas la même histoire, et il y a un côté communautaire dont je me suis toujours protégé. C’est aussi pour ça que j’ai toujours cultivé une sorte de syncrétisme linguistique.

Et ton attirance pour le Japon ? Ton père parlait japonais ?

Non, et je ne désespère pas d’écrire un jour en japonais ! C’est une histoire d’amour et d’amitié qui m’a conduit dans ce pays. J’étais dans un lycée de banlieue où il y avait l’option de cette langue. On m’avait dit que la prof était sympa, j’étais très mauvais élève, j’avais redoublé ma seconde. Cette femme est devenue une grande soeur et j’ai continué mes études comme ça, un peu par filiation. J’étais très bon en langues, et il y avait toujours ce fantôme de mon père … Ma mère me poussait aussi beaucoup à apprendre plusieurs langues. Quelques années après, je suis tombé amoureux d’une étudiante en japonais. J’avais déjà envie de faire de la musique, mais je voulais aller au bout de cette histoire avec le japonais. J’avais étudié sa littérature, eu la chance d’avoir de grands professeurs. Je suis partie avec une guitare, j’ai joué dans la rue au Japon, plein de musiciens sont devenus des amis. Et j’y retourne dès que je peux…

Tu as toujours chanté avec cette voix (sur 4 octaves…. ) Quand t’es-tu- rendu compte de tes capacités ?

Je m’en suis aperçu très jeune, mais très tôt s’est posée une question sur le genre. Tout petit on me prenait pour une fille, j’ai eu une voix très fluette jusqu’à l’adolescence. Mon père, très macho, détestait ça. J’ai toujours beaucoup écouté les femmes chanter. Naturellement je suis allé vers des trucs introspectifs. Ma mère faisait beaucoup de yoga, ça m’a toujours fasciné, j’en fais beaucoup aussi, ça permet d’aller puiser des ressources dans toutes les parties de son corps.

Tu as fait les Découvertes du Printemps en 2004, ça t’a apporté quoi ?

Un pur coup de pouce ! J’ai rejoué pour la sortie de mon deuxième album, j’ai été président des Inouïs…

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