CAPTIVES (sortie prévue le 1er octobre)
de Atom Egoyan (Ryan Reynolds, Rosario Dawson, Kevin Durand)
Cette année, en compétition officielle, le Canada sera triplement représenté avec le nouveau film de Xavier Dolan, celui de David Cronemberg et celui d’Atom Egoyan qui vient juste d’être projeté ce matin.
Matthew et Tina sont les heureux parents de Cassandra, dite Cass, une fillette de 9 ans, championne de patin à glaces. Un jour, en rentrant de l’entraînement avec son père, elle va disparaitre, kidnappée. Dès lors, les années passent sans que ni la police ni ses géniteurs ne retrouvent sa trace…
On le sait, Atom Egoyan est notamment fasciné par la perte de l’innocence, un de ses thèmes favoris, qu’il a déjà par le passé brillamment traité, que cela soit dans le méphitique « VOYAGE DE FELICIA » ou avec le poignant et douloureux « DE BEAUX LENDEMAINS ». Alors que son précédent opus, toujours inédit en salle chez nous, l’intéressant mais bancal « DEVIL’S KNOT », sur l’histoire vraie de trois ados américains accusés du meurtre de trois enfants lors d’un rituel satanique, le réalisateur d’« EXOTICA » tente ici de nous passionner avec une enquête policière et humaine au sein d’un réseau de pédophiles particulièrement ingénieux.
Je dis tenter car notre Canadien de service rate malheureusement sa mission en passant à côté de son sujet.
Cependant quelques bonnes choses restent : le jeu des comédiens, tous solides et crédibles, avec une mention spéciale à Kevin Durand (que l’on a pu voir dans un grand nombre de rôles secondaires comme dans le « ROBIN DES BOIS » de Ridley Scott ou « COSMOPOLIS ») en méchant doucereux à souhait, une ambiance dans l’ensemble assez prenante.
Malheureusement, un scénario trop axé sur les différentes temporalités de l’action décrite et la musique, trop démonstrative, signée pourtant de l’éternel complice d’Egoyan, Mychael Danna, décroche le spectateur qui se noie progressivement dans un ennui poli.
On aurait pourtant souhaité aimer ce thriller dramatique rempli d’intentions louables mais échouant à tenir la distance.
MR. TURNER (sortie prévue le 3 décembre)
de Mike Leigh (Timothy Spall, Dorothy Atkitson, Paul Jesson)
Mike Leigh n’est pas le cinéaste de la franche rigolade, tout le monde en conviendra, même si certaines de ses oeuvres flirtent avec, telle, dernièrement, « BE HAPPY ».
Ici, il entreprend de nous conter la vie adulte finissante du peintre britannique du XIXème siècle, J.M.W.Turner.
Entouré de son père et sa fidèle servante, Turner, artiste reconnu, fréquente l’aristocratie de son temps et voyage fréquemment pour nourrir ses inspirations créatrices. Son existence changera lors de sa rencontre avec Mrs Booth, la tenancière d’une petite pension de famille en bord de mer…
La première scène d’ouverture, magnifiquement picturale, promet énormément : des paysannes évoluent dans un champ sous la clarté naturelle tamisée du soleil, jouant sur le contraste comme dans un des tableaux du maître lui-même, génie du jeu des ombres et de la lumière. On pourrait même dire comme dans une toile de cette fameuse école flamande du XVIIème siècle, Vermeer en tête et avant lui Rubens. Ce travail esthétique, sublime tout le long, une des qualités indéniables de ce métrage, est à mettre au crédit de l’excellent chef opérateur Dick Pope, déjà responsable, entre autres, des éclairages de « VERA DRAKE ».
Seulement l’embellie sera de courte durée car Mike Leigh, en décidant de faire dans l’intime, très intime même, lasse. Certes, il nous présente Turner (Timothy Spall impressionnant) comme un misanthrope, vieil ours mal léché s’exprimant par grognements (une fois, deux fois, ok, au bout de la troisième, la redondance devient pénible), sans doute proche de la véracité historique (qu’importe si ce n’était pas le cas), mais son passé est totalement occulté.
Dommage.
Car nous aurions aimé en savoir plus sur l’apprentissage de ce génie pictural (un ou deux flash-backs savamment distillés auraient suffi). Non. Pour l’ami Mike, et il est vrai que cela peut être une solution, on est dans l’instantané où tout doit passer par les expressions des personnages, leurs gestes et l’apparition de leurs sentiments. Seulement, la froideur de l’ensemble tue toute adhésion à ce procédé.
Les deux plans finals, superbes, de ce « MR.TURNER » nous font d’autant plus regretter son manque d’hétérogénéité.
BANDE DE FILLES (sortie prévue le 22 octobre)
de Céline Sciamma (Karidja Touré, Assa Silla, Lindsay Karamoh)
Pour finir, un joli film de Céline Sciamma, présenté en ouverture à la Quinzaine des Réalisateurs, hier soir, « BANDE DE FILLES ».
Après nous avoir séduit voire ébloui pour ma part avec « NAISSANCE DES PIEUVRES » puis « TOMBOY », cette ancienne élève de la FEMIS entreprend de nous narrer le quotidien de jeunes Africaines habitant les quartiers en banlieue parisienne.
Marieme, seize ans, tente jour après jour de « survivre » dans un environnement pas facile, entre quolibets réguliers des garçons et un frère aîné intransigeant, qui parfois la bat pour la mettre au pas. Croisant sur sa route un trio de « rebelles » mené par Lady, elle décide de profiter de sa jeunesse à fond, quelles qu’en soient les conséquences…
Continuant son exploration du droit à la différence, ici culturelle et civilisationnelle et non plus sexuelle, tout en évitant un côté militant bête et méchant, Sciamma dresse un portrait fort et émouvant de jeunes femmes d’aujourd’hui, transcendé par des comédiennes inconnues, à la présence indéniable.
Seul petit bémol, la durée du film (près de 2 heures) qui laisse transparaître quelques longueurs.
Un format plus court aurait été plus adéquat à l’instar des oeuvres passées de cette cinéaste d’importance.
La fois prochaine, notamment, « SAINT-LAURENT » de Bertrand Bonello.