Interview Soviet Suprem Par Gary Constant et Marie Lansade
Avec Thomas, alias John Lénine (Erwan, alias Silverster Staline, se repose avant le concert).
Quel est le commencement ?
Moi j’officie depuis 15 ans dans un groupe qui s’appelle La Caravane passe dans lequel je fais des musiques inspirées des Balkans, tziganes, d’Europe de l’est, Erwan est depuis 15 ans dans le groupe Java et depuis une dizaine d’années nous faisons des collaborations l’un avec l’autre, des featuring sur nos disques respectifs, une tournée en Italie ensemble. A côté de ça, je faisais des soirées plus électro, Balkans, gipsy, des trucs beaucoup plus nocturnes, j’étais sur scène avec DJ Tagada, j’ai fait ça quelques années en parallèle. Un jour, j’ai invité Erwan pour faire un guest, lui qui venait du ragga avant a trouvé là une atmosphère qui lui a beaucoup plu. Et suite à cette soirée assez improbable, on a décidé de monter le Soviet Suprem.
D’où vient cette appétence pour l’imagerie soviétique ? Avez-vous grandi dans des familles de communistes ?
On cherchait une autre thématique que celle de La Caravane passe, Bohème, Balkans, etc… Et l’on sait fait la réflexion que toutes les cultures de la Caravane ont en commun l’empire soviétique. Oui, ma famille est communiste, originaire de Pologne et de Roumanie, j’ai vraiment grandi là-dedans, fêtes de l’Huma à fond ! Erwan, au contraire, a ressenti la force d’une chanson grâce à la confrontation avec le communisme car enfant un jour à table avec ses cousins, ils ont chanté l’Internationale et le grand-père a cassé une assiette en disant « pas de ça chez moi ! » On a donc décidé d’utiliser cette imagerie sur tout le projet et toute cette démarche est un peu une relecture de l’industrie de la musique, nous sommes dans une espèce de modernité dans notre démarche, quand on voit un rappeur américain qui est sur scène qui a des breloques et qui dit à tout le monde de lever les mains en l’air, qui dit qu’il gagne des tunes et qu’il a tout compris au système capitaliste, nous on s’est posé la question : si l’URSS avait gagné la Guerre Froide, quelle serait la musique du monde aujourd’hui ? On serait dans une espèce d’internationale et c’est ce qu’on a voulu incarner : on endosse directement les costumes de dictateur et on dit aux gens de mettre le poing en l’air et on prône la révolution du dance floor !
C’est un peu risqué, aujourd’hui, non, de parler du PC ?
C’est ça qu’on aime ! On avait envie de choquer, mais pas d’être moralisants. L’idée, avec nos noms, nos costumes et un logo très fort, était de faire comme un groupe mythique.
DJ Kroutchev est toujours avec vous ?
Oui, sur scène il est toujours là. Le groupe, on l’a fait à deux, à la maison, et quand on a voulu adapter la formule en live, on début on ne voulait qu’un DJ puis on a pris aussi un soliste, ou un violoniste, ou un sax soprano, selon les dates, l’idée étant d’avoir toujours sur scène un côté électro et un côté acoustique.
Jouer à la fête de l’Huma représente quoi, pour vous ?
Eh bien c’est une consécration ! L’an dernier on avait fait celle de Bordeaux, plus modeste mais très chaleureuse, et l’on avait dit que l’on finirait par celle de Paris. Et si l’on n’avait pas été invités, on y serait allés de force !
A quand la tournée en Russie ?
Ça s’avère pour l’instant compliqué. Nous y sommes déjà allés avec nos groupes respectifs, mais pour Soviet les instituts français sont un peu frileux, mais on a d’autres contacts qui vont peut-être aboutir.
Une question plutôt pour Erwan, même s’il n’est pas là : il est le fils d’un très grand journaliste, il y a toujours dans votre projet un côté géopolitique, est-ce que ça vient de lui ?
Ce projet a vraiment été écrit à deux. Pour ma part, j’ai fait des études de sociologie politique, et je pense qu’Erwan a vraiment hérité le verbe de son père, le mot juste, celui qui frappe. Même si Erwan est un très grand consommateur de journaux.
Alors comment est perçu Soviet Suprem dans ta famille de communistes ?
Très bien, ils sont très fiers, ils ont de l’humour ! Mon grand-père qui est mort l’an dernier à l’âge de 95 ans a fait l’ouverture d’une des premières Soviet télé, en portant ma chapka et en parlant de la chute du mur de Berlin !
On a fait ce constat avec Erwan qu’avec le système de la centralisation culturelle, la France avait perdu son folklore. Alors que dès qu’on prend l’avion 2 heures et qu’on arrive dans les Balkans, si un morceau est joué, tout le monde va le connaître et danser dessus, toutes générations confondues. En France, c’est triste à dire, ce qui ressemble le plus à de la musique traditionnelle, c’est Patrick Sébastien ! On est un peu l’anti électro et l’anti salsa. L’électro parce que tu es tout seul dans ton délire avec le son, et tu ne danses pas avec les gens ; la salsa c’est le contraire : si tu ne sais pas danser, tu es exclu ! Alors que dans les musiques des Balkans, le monde peut danser et se lâcher !
Les projets pour la suite ?
Là on est vraiment en train de consommer nos noces ! On n’est pas trop dans l’esprit on va faire un premier disque, puis un deuxième, on est plus dans l’idée de faire des coups, peut-être en 2017 avec les présidentielles…