PIXELS (3D)
de Chris Columbus (Adam Sandler, Michelle Monaghan, Kevin James)
Une anecdote personnelle.
Milieu des « Eighties », dans un café d’une bourgade de campagne en région Centre.
Gamin curieux, je vois un étrange appareil en métal trônant dans un coin, à côté du baby-foot. Je m’approche et là je tombe sur des images numériques représentant un gorille géant, en haut d’une double échelle d’un site de construction, jetant des tonneaux à un petit bonhomme qui tente de les éviter pour aller secourir sa fiancée, prisonnière du primate.
Glissant une pièce dans la fente, je fais alors une partie qui s’achève (très) rapidement, mes réflexes se faisant désirer.
Je m’améliorai grandement par la suite à « Donkey Kong » et découvris progressivement le foisonnant panorama des bornes d’arcade.
Autant vous dire que lorsque j’appris qu’Hollywood s’apprêtait à produire un long métrage voulant rendre hommage à tous ces personnages vidéo-ludiques qui firent rêver des millions de gosses, j’étais forcément impatient de découvrir ce que cela allait donner.
USA, été 1982. Sam, Will, Ludlow et Eddie, « gamers » passionnés et doués se retrouvent et s’affrontent lors du premier championnat du monde de leur discipline. 25 années plus tard, un est réparateur/installateur de matériel vidéo, un autre un est devenu président du pays, le troisième a viré paranoïaque et le dernier, en prison pour diverses fraudes. Tous vont devoir mettre leur talent de joueur à profit afin de sauver la planète d’une invasion extraterrestre ayant pris la forme des protagonistes principaux des jeux d’arcades…
Inspiré d’un court éponyme réalisé en 2010 par le français Patrick Jean qui montrait New York attaqué par des créatures en 8-bit, « PIXELS » est une bonne surprise, mise en scène par Chris Columbus (« MADAME DOUBTFIRE »), artisan efficace à la riche carrière.
Plus proche dans son rapport aux spectateurs des « MONDES DE RALPH » que du pénible « PRINCE OF PERSIA » (deux oeuvres tirées de « classiques » de cet univers distrayant rapportant des milliards), référentiel mais pas abscons (qui ne connait pas les principales règles de Pac-Man ?), rappelant par petite touche l’humour de bon aloi des « GREMLINS » et autres « S.O.S. FANTÔMES », ce blockbuster se savoure pleinement.
Côté casting, les craintes sur la présence d’Adam Sandler (« LITTLE NICKY »), humoriste plus souvent capable du pire que du meilleur, est très vite dissipée. Sobre ici, il est impeccable.
Le reste n’est pas en reste, Michelle Monaghan (« SOURCE CODE ») est fort séduisante, Kevin James (« ZOOKEEPER ») soft et l’on prend plaisir à certaines apparitions étonnantes.
La palme est toutefois décernée à Peter Dinklage, échappé de GAME OF THRONES, régalant via ses répliques et sa coupe de cheveux à la MacGyver.
Avec « SCOTT PILGRIM », le plus bel hommage sur grand écran à la culture populaire dite « geek » (dieu que je déteste ce mot).
Allez, joyeuse récré à tous !
WHILE WE’RE YOUNG
de Noah Baumbach (Ben Stiller, Naomi Watts, Adam Driver)
Quadragénaires, Josh et Cornélia sont mariés, et malgré le fait qu’ils n’aient pas eu d’enfants, vivent heureux à Brooklyn. Lui s’escrime à finaliser son nouveau documentaire tandis qu’elle s’occupe de façon monotone dans leur habitation. La rencontre avec Jamie et Darby, un couple insouciant de 20 ans plus jeune qu’eux, va les rebooster mais également faire ressurgir certaines failles du passé…
Après avoir marqué les esprits, à juste titre, d’un certain public avec le joli « FRANCES HA », convoquant les fantômes de John Cassavetes des débuts et révélant l’espiègle Greta Gerwig, Noah Baumbach revient avec « WHILE WE’RE YOUNG ».
Poursuivant son exploration des rapports humains, il donne là une comédie dramatique inégale.
S’il parvient à intéresser dans une première moitié grâce à une approche sensible de son sujet (ça transpire le Woody Allen du meilleur cru, celui d’antan) – le retour à une jeunesse que l’on a pas eu – et à la solidité des acteurs, il n’arrive pas à conclure, en revanche, de façon satisfaisante, tombant dans des clichés, avec notamment une condamnation morale qui se voudrait à la Frank Capra mais en est très très loin.
Reste la bande son, encore une fois bien choisie.
Au lieu de payer votre place pour ce film pas désagréable mais convenant mieux à une soirée télé et si vous voulez poursuivre l’expérience de « FRANCES HA » et découvrir vraiment Baumbach, essayer plutôt de vous procurer « MARGOT VA AU MARIAGE », toujours inédit chez nous et pourtant l’une des prestations les plus réussies de Nicole Kidman.
PITCH PERFECT 2
de ELizabeth Banks (Anna Kendrick, Rebel Wilson, Hailee Stenfeld)
A la fin de l’opus 1, les « Barden Bellas » – groupe féminin vocale composée de lycéennes et d’étudiantes comme il en essaime des milliers chez l’Oncle Sam – avait remporté le concours national.
Ici, hop, on grimpe d’un niveau car ce n’est ni plus ni moins que le championnat mondial qui est visé, faute de quoi la formation est dissoute.
Réalisé par Elizabeth Banks, qui joue pas mal les utilités (« HUNGER GAMES »), ce « PITCH PERFECT 2 » enthousiasmera certainement les jeunes pucelles pré-pubères et un peu plus âgées (et certainement plus vierges) tant cela est calibré de A jusqu’à Z pour leur plaire, elles, le coeur de cible de ce bidon de lessive.
Anna Kendrick (« IN THE AIR ») a beau avoir une voix naturelle point digne d’intérêt (elle le montra d’ailleurs dans le formidable « INTO THE WOODS : PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS ») et Rebel Wilson (« MES MEILLEURES AMIES »), faisant comme à l’accoutumée, la gaffeuse de service, cela ne lave pas plus blanc.
Pourtant un numéro 3 est d’ores et déjà en préparation.
Demain, je change de machine.
Quelques DVDs pour la plage
ELEPHANT FILMS
Parmi les nombreuses collections de cet éditeur, depuis quelques temps, une attire plus l’attention du cinéphile que les autres, celle appelée « LA COLLECTION DES MAÎTRES ».
Bénéficiant d’un choix vaste où se côtoie les polars japonais stylisés de Seijun Sujuki, des oeuvrettes anglaises de propagande pour lutter contre la nazisme de la fin des années 30 ou encore « classiques » d’aventures avec Sabu, le comédien indien naturalisé bondissant, voici que vient de paraitre un trio de métrages méconnus ou depuis longtemps invisibles.
« LE CRI DU SORCIER » (1977) de Jerzy Skolimowski (polonais aussi important que Roman Polanski), à l’aura mythique, bénéficie – comme ses camarades – d’une restauration impressionnante (et de bonus pénétrants de Jean-Pierre Dionnet) qui permet de l’apprécier enfin à sa juste valeur.
Lors d’un match de criquet entre les membres d’un asile psychiatrique et les habitants du village voisin, Charles Crossley, arbitrant la rencontre et persuadé de posséder le pouvoir de tuer grâce à son cri, se lance dans le récit de son existence…
Nageant en plein psychadélisme, baignant dans une atmosphère surnaturelle rendue par une photo magnifique et via le charisme d’Alan Bates, archétype de l’acteur anglais cérébral, souvent épatant comme dans « LE ROI DE COEUR » de Philippe de Broca, une véritable claque à tous les niveaux (sensoriels, thématiques…), Grand Prix du Jury à Cannes (à l’époque, ils osaient).
Lina Wertmuller est une des rares femmes derrière la caméra dont les travaux sont presque tous sidérants dans le bon sens. Assistante de Fellini sur « 8 ½ », elle se plongea dans le théâtre pour ensuite donner dans la satire dans les salles. « D’AMOUR ET DE SANG » (1978) narre, dans l’Italie en proie au fascisme de Mussollini, les destins mêlés d’un écrivain protestataire de retour d’exil (Marcello Mastroianni), d’une veuve (Sophia Loren, méconnaissable) dont le mari a été tué par la mafia et d’un truand (Giancarlo Gianinni) ayant fait fortune outre-Atlantique.
Sur fond de critique sociale pertinente se greffe un trio amoureux pas piqué des hannetons.
Une curiosité conseillée.
« LA THÉORIE DES DOMINOS », lui, date de 1976 (un cru exceptionnel) et s’avère une incroyable hypothèse concernant l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy.
Roy Tucker est un ancien du Vietnam, tireur d’élite, se retrouvant en prison suite au meurtre du mari violent de son ex-femme. Là, un mystérieux représentant du gouvernement lui propose un marché : sa liberté totale en échange d’une mission secrète et délicate…
Gene Hackman (on ne dira jamais assez à quel point il est génial), Richard Widmark (on ne dira jamais assez à quel point il est génial), Eli Wallach (on ne dira jamais assez à quel point il est génial), Mickey Rooney et Candice Bergen au générique de ce thriller glaçant et palpitant du à Stanley Kramer (« UN MONDE FOU, FOU, FOU, FOU »).
RIMINI EDITIONS
Déjà touché deux mots de cette maison au catalogue exhumant les délaissés de la 20th CENTURY FOX.
Seule sortie notable (avant d’autres qui seront abordées dans ces colonnes à la rentrée), « BAS LES MASQUES » (1952) de Richard Brooks est important à plus d’un égard.
L’histoire rapidement.
Le rédacteur en chef du « Day », Ed Hutcheson, apprend que le journal va être cédé par les propriétaires à un concurrent. Tous le staff se réunit alors au cours d’une veillée funèbre bien arrosée dans un bar. L’un des membres de l’équipe, envoyé, pour un dernier reportage, sur les traces de Thomas Rienzi, un gangster influent, est roué de coups par les hommes de main du bandit et retrouvé à moitié dans le coma. Hutcheson décide d’affronter Rienzi, pourtant réputé intouchable…
Les films mémorables traitant de ce merveilleux (et parfois éprouvant et de plus en plus sclérosé) métier qu’est le journalisme. Outre celui-ci, je n’en vois immédiatement que quatre autres incontournables : « LE GOUFFRE AUX CHIMÈRES » et « SPÉCIAL PREMIÈRE », tous deux de Billy Wilder, « NETWORK » de Sidney Lumet et « UN LINCEUL N’A PAS DE POCHES », splendide adaptation d’Horace McCoy par Jean-Pierre Mocky.
« DEADLINE U.S.A », en version originale, est une charge virulente pour la liberté de la presse.
Humphrey Bogart, sortant de toute une série de polars, porte encore l’imperméable mais rend justice d’une autre manière que Sam Spade. Tout en retenu mais faisant preuve d’une conviction inébranlable, il se bat, dans un divin noir et blanc signé Milton Krasner (aussi à l’aise en couleur et responsable d’un paquet de joyaux – « ÈVE » de Mankiewicz, « LA RUE ROUGE » de Lang, « CELUI PAR QUI LE SCANDALE ARRIVE » de Minnelli), contre l’intolérance.
En bonus, intervention émouvante de Patrick Brion, qui signa un livre essentiel sur Richard Brooks, épuisé et qui revient sur ses entretiens avec le cinéaste, les yeux humides et nous apprend des choses.
« BAS LE MASQUE » fut le déclencheur pour Brooks qui, par la suite, enchaîna avec « SERGENT LA TERREUR, « GRAINE DE VIOLENCE », « LA DERNIÈRE CHASSE », « LES FRÈRES KARAMAZOV » et « LA CHATTE SUR UN TOIT BRÛLANT ».
Je vous le disais : important.