LES HUIT SALOPARDS
de Quentin Tarantino (Samuel L. Jackson, Jennifer Jason Leigh, Kurt Russell)
Je n’aime pas Tarantino.
En fait, non, ce n’est pas totalement vrai.
J’ai aimé ses débuts, « RESERVOIR DOGS », merveilleux hommage au polar des années 50 (non, je n’y étais pas à la mythique projection au Marché du Film cannois en 1992, trop jeune), puis « PULP FICTION », rangé au rayon des « classiques ».
Et puis, j’ai lâché l’affaire après l’inégal « JACKIE BROWN » (merveilleuse Pam Grier et non moins admirable Michael Keaton), quant est venu la saga des « KILL BILL », où l’ami Quentin paie pourtant son tribut à la « Shaw Brothers », Liu Chia-liang et Chang Cheh en tête.
Sympathique sur le moment (le deuxième volet supérieur au premier), cela passe difficilement les ans.
À ce moment précis, Tarantino a pris conscience de toute la « hype » qu’il déchaînait et à commencer à avoir le melon.
Attention, le monsieur est un cinéphile boulimique, passionné, mais vomissant plus ses références que les égrenant avec intelligence (essayer de vous procurer le coffret américain sur Bud Boetticher (« L’AVENTURIER DU TEXAS ») où l’ami Quentin intervient, vous verrez qu’il ne comprend pas grand chose à l’essence de cet immense réalisateur, montrant ainsi ses limites).
On est en droit de considérer comme assez navrant son « INGLORIOUS BASTERDS » (et de préférer le modèle de 1978 qui a servi d’inspiration, signé par Enzo G.Castellari) tout comme on peut ne pas trouver « DJANGO » à son goût, assez vain, malgré quelques trop rares inspirations saisissantes (la scène de fusillade).
En vérité, le seul Tarantino post-« JACKIE BROWN », que j’emmènerai sur une île déserte, est « BOULEVARD DE LA MORT » (celui qu’il déteste le plus de sa filmo) où là, miracle, tant les dialogues que la mise en scène et les comédiens – incroyable figure de méchant que ce Stuntman Mike, incarné par Kurt Russell -, parfaitement dosés, font mouche, avec le côté outrancier qui fonctionne.
Avec « LES HUIT SALOPARDS », il persévère dans l’univers du western.
États-Unis. Vers la fin des années 1860, après la Guerre de Sécession, une diligence fait route vers la bourgade de Red Rock. À son bord, John Ruth – dit le Bourreau – emmène sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. En chemin, vient se rajouter le Major Marquis Warren, un ancien soldat noir, et le nouveau shériff de Red Rock, Chris Mannix. A cause de conditions météorologiques désastreuses, ils sont obligés de s’arrêter dans une auberge au milieu des montagnes enneigées. Là, de curieux personnages les attendent. Mais sont-ils ce qu’ils prétendent être ?…
Tourné au format 70 mm, il faut reconnaitre que ce 8ème long métrage de Tarantino est splendide esthétiquement parlant (loué soit Robert Richardson – tous les derniers Scorsese, c’est lui à la photo).
Divisé en cinq chapitres, nous avons affaire à un huis-clos meurtrier et horrifique de près de 3 H où les ombres tutélaires de John Carpenter, Sergio Leone, John Ford, Henry Hathaway, Sam Peckinpah et d’autres sont convoquées.
Hélas, convoquées seulement car pratiquement jamais la moindre tension (hormis une scène entre l’habituel complice Samuel L. Jackson – Major Marquis Warren – et Bruce Dern – Général Sandy Smithers) n’existe, tant les rouages de la machination sont grossiers et les appels du pied aux spectateurs clinquants.
Le casting est pourtant dans l’ensemble de bonne tenue (mention spéciale à Jennifer Jason Leigh) mais maladroitement utilisée (les rôles de Channing Tatum et Michael Madsen !).
On passera sur les considérations politiques bas de gamme (censées être incorrectes) parsemées un peu partout.
Oui, Ennio Morricone a composé la musique mais celle-ci reste anecdotique rapport à ce que le maestro a composé de par le passé.
Pour résumé : Explosion de violence grotesque, psychologie zéro et aucune angoisse au programme.
Certains d’entre vous me voueront peut-être aux gémonies (si ce n’est déjà fait depuis la première ligne de cette critique) mais c’est ainsi.
Au fait, vous reprendrez bien une part de flan ?
ARRÊTEZ-MOI LÀ
de Gilles Bannier (Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen)
Samson Cazalet est chauffeur de taxi à Nice. Son chat, Gershwin l’accompagne dans tous ses déplacements. Un après-midi, il charge une cliente à l’aéroport et l’emmène chez elle, à Grasse. Lors du trajet, leur regard se croise et le charme opère. Mais cela ne va pas plus loin. Le lendemain, Samson est appréhendé à son domicile par la police et soupçonné d’avoir kidnappé la petite fille de sa cliente de la veille…
Responsable de plusieurs épisodes de séries télé comme ENGRENAGE où LES BEAUX MECS, Gilles Bannier passe au grand écran.
Adaptant le roman éponyme de l’écrivain écossais Iain Levinson, qui lui même s’est inspiré d’une affaire d’enlèvement ayant provoqué grand bruit en 2002 aux USA, ayant conduit un innocent en prison, il livre un bon thriller dramatique – montrant certaines incohérences et failles de la justice – où Reda Kateb, plongeant en plein cauchemar, s’avère remarquable, tout comme le toujours formidable Gilles Cohen (ah cette tête de gargouille malicieuse) en avocat laxiste.
On pourra regretter une conclusion bien mièvre, affadissant légèrement le propos exposé.
Il n’empêche, à mille lieues de FAITES ENTRER L’ACCUSÉ, cette petite production française est à signaler.
MISTRESS AMERICA
de Noah Baumbach (Greta Gerwig, Lola Kirk, Matthew Shear)
L’été dernier, on avait parlé, ici même, dans ces colonnes, de « WHILE WE’RE YOUNG », le précédent opus décevant de Noah Baumbach) où Ben Stiller et Naomie Watts retrouvaient une seconde jeunesse en côtoyant un couple de jeunes adultes. Une tentative ratée d’un cinéma à la Capra.
Voici qu’il revient avec « MISTRESS AMERICA », ayant fait le buzz lors du Festival de Sundance en 2015.
Venant de commencer ses études dans une université à New-York, Tracy se sent seul et a du mal à se faire des amis. Sa mère lui annonce que Brooke, la fille de l’homme avec qui elle va se marier, travaille également à la Grosse Pomme. En rencontrant sa future demi-soeur, Tracy est totalement subjuguée et va enfin découvrir la vie qu’elle s’imaginait à Manhattan. Brooke va également lui servir d’inspiration pour un livre qu’elle rêve d’écrire…
Renouant avec la frivolité et la pétillance de « FRANCES HA », sans oublier une légère gravité, Baumbach, toujours sous perfusion « Woody Allen », nous offre deux jolis portraits de femmes de génération différente, aspirant au même destin mais par des voies opposées et poursuit son interrogation sur les questions d’identité.
Greta Gerwig, l’épouse et actrice fétiche du metteur en scène, porte l’entreprise sur ses épaules et au vu de l’osmose artistique avec son mari, il n’est pas interdit de penser à un autre tandem également performant en ce sens, Sternberg/Dietrich.
Oui, rien que ça.
JANIS
de Amy Berg (Janis Joplin, Cat Power, Dick Cavett)
Voici, après l’impeccable « AMY », sur Amy Winehouse, un autre pénétrant documentaire (avec moults images inédites) par la spécialiste du genre sur une autre géniale chanteuse morte elle aussi à l’âge de 27 ans et dont l’existence ne fut pas toujours heureuse : Janis Joplin.
Courrez-y et n’oubliez pas de vous unir d’un briquet lorsque retentira sa reprise de SUMMERTIME.
À quand une intégrale DVD sur Amy Berg, dont chaque doc est passionnant.
L’affiche de la semaine : « GRIMSBY – AGENT TRÈS SPÉCIAL » de Louis Leterrier
Parce que cela a l’air fendard – dans la lignée de « KINGSMAN » – tout en empruntant au jeu vidéo.
Parce que Sacha Baron Cohen (« BORAT ») est souvent drôle.
Parce que Mark Strong (« IMITATION GAME »), un des chauves les plus célèbres d’Hollywood, a un charisme rare.
Parce que derrière la caméra se trouve un réalisateur frenchie qui a plutôt réussi son passage de l’autre côté de l’Atlantique.
On jugera sur pièce le 12 avril prochain.