CLIMAX (Quinzaine des Réalisateurs) (sortie prévue le 19 septembre)
de Gaspar Noé (Sofia Boutella)
Anarchiste à sa manière, Gaspar Noé adore provoquer et diviser.
Beaucoup pense que c’est purement gratuit, d’autres que c’est de l’esbroufe, de la branlette faisant l’apologie du vide, une frange, enfin, y voit un grand metteur en scène.
Pour ma part, il y a un peu de tout ça.
« SEUL CONTRE TOUS » a marqué son temps, à juste titre.
« IRREVERSIBLE » est surcoté.
« ENTER THE VOID » pêche par excès d’ambition malgré des fulgurances.
« LOVE » est inutilement compliqué mais recèle de jolis moments.
Et pourtant, n’étant pas un défenseur hardcore du bonhomme, j’étais bien curieux de découvrir ce « ‘CLIMAX », où juste une affiche teaser avait filtré et dont le montage final, dixit Noé, a été terminé quasiment la veille de la présentation cannoise.
Isolée dans une école désaffectée, une troupe de danseurs passe un séjour de trois jours de répétition. À la fin, un pot de départ est organisé et là, tout part en vrille…
Autant vous le dire direct, nous sommes en face du projet le plus abouti et réussi de son auteur.
Passée l’ouverture – alambiquée forcément et annonciatrice de ce à quoi le spectateur va être soumis (la pile de cassette vidéo du début), on assiste à un magnifique ballet de corps hypnotiques à souhait, nous laissant dans un état de transe qui sera presque ininterrompu jusqu’au bout.
Puis, une tension hallucinante monte progressivement et aboutira à une hystérie collective, qui est un souhait de Gaspar, appuyant un discours simple mais pas simpliste, comme l’indique la tagline principale exposée :
« Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif »
Les comédiens, impériaux – outre Sofia Boutella (« LA MOMIE », « ATOMIC BLONDE ») – sexy et bandulatoire en diable – sont non professionnels mais tous experts en danse urbaine.
Plans séquences de malade, photographie chiadée – grâce au génial Benoît Debie -, jeu de massacre jubilatoire – une réplique à devenir culte, « Tito grillé » – uppercut en pleine face, peuplé de discours crus reflétant une réalité souvent trop amoindrie et hélas banalisée, y allant à fond mais toujours exécuté et maîtrisé, hargneux, inspiré d’un fait divers réel, « CLIMAX » ne laisse pas indemne.
Difficile de retranscrire par l’écrit une telle expérience visuelle et sensorielle.
Un des films de l’année.
Déjà un classique.
Vous verrez.
Oui, forcément, vous verrez…
LE MONDE EST À TOI (Quinzaine des Réalisateurs) (sortie prévue le 22 août)
de Romain Gavras (Karim Leklou, Isabelle Adjani, Oulaya Amamra)
Dans le cinoche français, et pas que, être « fils de » n’est absolument pas péjoratif ou infamant, à quelques exceptions près comme Léa Seydoux, qui depuis « BELLE ÉPINE » en 2010 qui l’avait véritablement révélée – elle était épatante – n’a rien fait de notable depuis, et a joué majoritairement les utilités.
Mais prenez la tribu Stévenin, la tribu Cassel ou la tribu Depardieu, dans l’ensemble du solide.
Maintenant, dans la famille Gavras, je voudrais le fils.
Oui, car Costa n’a pas qu’enfanté de grandes oeuvres – majoritairement dans les années 70.
Il est également l’heureux géniteur de Romain, un des piliers et cofondateur (avec Kim Shapiron, autre « fils de ») du collectif Kourtrajmé qui apporta un vent de folie et de création dans la production de petits métrages au milieu des années 90.
Auteur de clips musicqux chiadés, militants et parfois violents – « No Church In The Wild » pour Jay-Z et Kanye West ou encore « Stress » pour Justice – il passe au long avec « NOTRE JOUR VIENDRA », une fable utopique inaboutie mais prometteuse où un roux, repoussé de tous, rêvait de conquête.
Près de dix ans sont passés et le revoici, avec un second opus très attendu, projeté à la Quinzaine.
François, petit dealer, rêve de devenir le distributeur officiel de Mr Freeze au Maghreb. Le hic : Dany, sa mère, a dépensé toute ses économies. Pour se refaire, Poutine, le caïd de la cité lui propose un plan en Espagne pour se refaire. Mais, partant là-bas avec une équipe de bras cassés, rien ne va évidemment se passer comme prévu pour notre jeune entrepreneur…
Bourrée d’énergie, clippesque, parfois amoral, volontiers rentre-dedans, porteuse d’espoir, s’amusant de l’actualité et bénéficiant d’un casting cinq étoiles qui se complait à jouer avec son image – Isabelle Adjani, parfaite en maman castratrice doublée d’une voleuse à la tire, tout comme Vincent Cassel, hilarant en beauf bas du front (cela faisait un bout qu’on ne l’avait pas vu à ce niveau d’excellence), cette comédie d’action, poignante à certains moments, est revigorante.
La surprise – mais ce n’en est pas vraiment une, confère son rôle déjà dans le fort bon « COUP DE CHAUD » – vient de Karim Leklou, qui s’affirme là comme un comédien majeur dans le paysage français actuel.
Charismatique malgré un physique pas forcément avenant, il sait jouer de ce corps, souvent à fleur de peau, parfois tout en intériorité, il excelle.
Un seul minuscule bémol, des bouts de scènes inutiles à force de trop vouloir en faire.
Mais ne boudons pas notre plaisir.
Surtout pas !