Fauve (ITW groupée)
Le collectif Fauve ? Le phénomène musical 2013-2014, souvent encensé, parfois (beaucoup plus rarement) conspué par les médias. Vainqueur des Inouïs du Printemps 2013, ils reviennent en 2014 en tête d’affiche. Les 5 membres du collectif ne veulent toujours ni photos, ni vidéos, mais c’est à visage découvert qu’ils donnent, très volontiers, des interviews. Rencontre avec deux des membres. Capital sympathie au rendez-vous.
(Parallèles) : vous avez eu une presse dithyrambique l’an dernier. Avez-vous lu le dernier article de Rockn’n Folk ? Et celui du Figaro ? (Qui les descendent méchamment, NDLR)
Non. Mais par rapport à la presse, on essaie de se protéger. Tout ce qui est un peu extrême, dans un sens ou dans un autre, on essaie de rester à l’écart et de se souder. On accepte n’importe quelle sorte de critique, à condition qu’elle soit constructive.
L’an dernier vous êtes arrivés ici un peu perdus, au 22, à 14h. Là vous passez sur la grande scène en soirée. Qu’est-ce qui a changé pour vous cette année ?
On a appris notre métier. On est plus nombreux à tourner (14). On fait tout nous-mêmes, tout est nouveau, la lumière, la scénographie. On a un bus plus gros, on prépare de vrais festivals en tête d’affiche et pour les humains que nous sommes c’est un peu bizarre de se retrouver là-dedans. Mais un an après c’est très drôle, on est repassés dans les mêmes rues et on mangé dans le même resto où on avait mangé avec les parents. Le souvenir qu’on a de la scène où on va jouer ce soir, c’est ça : notre bus qui était garé devant, Vitalic faisait les balances, on regardait ce chapiteau immense et on repartant on s’est dit : mais jamais on ne pourra faire ça !
// : Et en plus tu vas être payé pour ça…
Avec l’EP, on ne pense plus à l’argent, c’est devenu trop gros pour que ton cachet ait une quelconque incidence avec ce que tu vas faire dans ta journée. On pense plus à des problèmes techniques, à sa guitare…
// : On peut décrocher vite de la vraie vie ?
Ca a déjà commencé, on commence l’ITW en disant on parle de vous dans les journaux, ce n’est déjà plus la même vie ! L’an dernier on avait un peu l’impression d’un canular, on se sent un peu plus légitimes aujourd’hui. Mais ça va trop loin, et c’est un truc qu’on ne maîtrise pas. Je pense qu’on est les seuls artistes sur la grosse scène à sauter d’excitation parce qu’on est surélevés pour la première fois. On arrive comme ça, on découvre, on se prend dans les bras, et les techniciens nous regardent toujours un peu bizarrement ! Donc oui, nos quotidiens sont différents d’il y a un an, mais il y a toujours le fait de prendre du recul et de tout mettre en perspective. Et comme c’est un projet pluridisciplinaire, il y a certes 1h sous les feux des projecteurs, mais après il y a les clips à monter, l’enregistrement d’un truc…
// : Alors il s’est passé quoi pour monter Fauve ? Vous avez fait un burn-out ? Vous aviez pourtant de bons jobs… Quand on lit vos textes, c’est sincère, ou c’est de la littérature ?
Aucune fiction dans nos textes. Pas de burn-out, mais on s’est retrouvés tous les 5 à peu près dans le même état d’esprit. D’être trop rapidement rentrés sur les rails, et de voir sans surprise les choses défiler petit à petit, les années passer, et se dire : c’est que ça, alors qu’il y a peut-être d’autre chose de plus intense à vivre. Donc pas de dépression, juste un autre projet à avoir en rentrant du boulot le soir. Et comme on avait une groupe de musique avant, on écrivait des chansons, c’est parti comme ça. Ca nous faisait du bien.
// : Avec les tournées qui s’annoncent, comment garder ce capital fraîcheur et sincérité ?
En prenant du repos, en passant du temps avec la famille et les copines… Et puis on ne tourne que depuis un an, et on ne fait pas cette année les mêmes festivals que l’an dernier. Et Fauve, ce ne sont pas des musiciens qui se sont retrouvés pour un projet, on est des amis d’enfance, pas musiciens à la base – et toujours pas bons musiciens ! -, donc on a forcément un quota fraîcheur plus important. La programmation de ce soir, ce sont de vrais groupes !
Vous avez joué à Calvi devant presque 2500 personnes, avec un public de 7 à 77 ans, c’est ça qui est étonnant…
On ressent de plus en plus que notre public s’est élargi. Les paroles de Fauve sont écoutées et analysées de façon très différente selon les générations. Des ruptures chez des jeunes filles, des deuils ou des maladies chez des personnes plus âgées… Quand on boit des verres après les concerts, ce sont souvent les parents qui ont plus de questions à poser que leurs ados…
Une vitalité hors des concerts ?
Les clips et vidéos, les fringues… On est venus l’an dernier, on n’était pas connus, là c’est énorme, c’est difficile de faire d’autres trucs pour l’instant. C’est plus un projet textes à la base, décliné ensuite en musique puis en images. Après on verra. Oui, on a envie de sortir un bouquin de partitions, avec des photos, avec des textes de gens qui s’impliquent de plus en plus dans le collectif, ou un magazine, mais le temps nous manque ! Et on n’a pas appris encore à déléguer à 100%.
Vous vous sentez porte-parole d’une génération ?
C’est un terme qui nous met mal à l’aise, et qu’on refuse complètement, on n’est pas là pour parler pour les autres. Si des gens se retrouvent dans nos paroles, tant mieux, mais pour notre part on n’a pas envie d’avoir de porte-parole.
Pourquoi mettre des visages dans vos clips alors que vous voulez rester anonyme ?
C’était important qu’il y ait des gens, des témoins, mais des visages qui ne soient pas les nôtres, pour ne pas être auto centrés.
Vous programmez beaucoup de groupes en première partie, comme Grand Blanc ou Fakear…
On a demandé, dans des maisons de disque, des labels indépendants… Ce qui est important, c’est de choisir des petits groupes qui ont besoin de faire de la scène, on leur ouvre la porte du Bataclan et on leur dit allez-y, vous êtes là pour la semaine. Il y a une notion de développement qui s’amorce, ce sont presque des résidences qu’on fait partager…