© Lola Lemettre
Interviews

JULIEN DORE, INTERVIEW, PDB 2014

© Lola Lemettre

ITW groupée

Il y avait pléthore de journalistes à la conférence de presse de Julien Doré avec une majorité d’hommes, venus peut-être voir ce qu’avait de plus qu’eux cet ancien gagnant de la Nouvelle Star, élu homme le plus sexy de l’année par le magazine Elle en 2006, et qui mène désormais carrière dans la chanson. Le garçon a des choses à dire, il est (trop ?) sûr de lui, et le concert qu’il a donné le soir laisse à voir un bon potentiel. Avec plus de maturité, à condition de ne pas virer chanteur de charme et de garder son côté décalé,  Julien Doré pourrait bien prendre une belle place dans le paysage musical.

Sur votre site internet, il y a deux parties qui m’ont intéressé : le livre d’or audio  et la partie «homework», si on peut en parler aussi.

Le livre d’or audio, j’avais envie de le faire, j’utilise une appli qui s’appelle Bobbler et qu’on utilise généralement avec son téléphone. Ce sont des choses très visuelles, mon travail avec la musique ce n’est pas que de penser au son, c’est aussi les fréquences de voix. Et je trouvais que pouvoir centraliser sur le site le fait que le public puisse poster juste la fréquence de la voix, sans forcément se montrer, juste laisser un message, était intéressant. Ces traces sont jolies, empreintes du concert qui vient d’être vécu. On se sent beaucoup plus libre, quand on n’est pas filmé.

Envie de faire quelque chose de ces messages, un CD ?

Peut-être, mais c’est vrai que c’est moi la personne la plus sensible à ces messages. Peut-être que la personne qui a laissé un message n’a pas envie de se réécouter.

La partie homework ?

C’est pour les petites choses que j’enregistrer sans moyens. C’est ce que je faisais ça quand j’étais aux beaux-arts en fait, essayer de répertorier des petits trucs parallèles, juste partager des brouillons, mais qui ont aussi leur poésie, car ils ne sont pas dépendants de codes.

Comment voyez-vous l’évolution de votre carrière ? Vous faites  partie des «survivants» des télé-crochets, comme Olivia Ruiz ou Nolwenn Leroy, vous vous imaginez être juré un jour ?

Je pense qu’on devient un très mauvais juge quand on essaie d’analyser sa propre carrière. Moi je m’en fous d’analyser des trucs, je fais des choses c’est tout. Je me pose des questions chaque fois que je tente quelque chose. Mon dernier album est le reflet de ce que je suis aujourd’hui. On laisse l’instinct parler pour soi. Ma carrière me va très bien. Si j’essaie de m’extirper pour la regarder de côté, je suis sur scène toute l’année, je suis en studio avec mes meilleurs potes, avant je jouais dans les bars. La suite a évolué, mais il n’y a pas de choses découpées, c’est un seul et même parcours.Où ça va mener, j’en sais rien, mais si j’avais peur de la suite, j’agirais en fonction d’elle. Si j’agis pas en fonction d’elle je suis libre, et tant que je suis libre, je ne pense pas devenir jury d’une émission de télé crochet…

Julien Doré c’est plus un groupe qu’un chanteur de variété avec des musiciens ? Est-ce que ça n’étouffe pas les 2 autres personnalités qui sont Darko d’un côté et Arman Méliès de l’autre ?

Non, je ne crois pas, on a eu cette discussion. Tous les gens avec qui je travaille, tous ceux qui font mes premières parties, sont des potes, ou les potes de mes potes. Je n’obéis pas à des rencontres forcées. Arman et David, mes guitaristes, on a une histoire en commun, parce qu’on écrit ensemble. La base de cette histoire est simple, c’est que l’on est très ami, on a la même passion. Quand on voit la mise en scène de mon concert, on voit bien que je ne me mets pas en avant, parfois même je suis dans le public à regarder les gars jouer. La place que je leur laisse, c’est la place que je leur ai laissée dans les compositions et les arrangements. Ce sont des gens qui ont énormément de talent, et leur façon de m’entourer, fidèle et honnête,  me permet de m’abandonner et sans cet abandon je ne serais pas ce que je suis, je devrais jouer un personnage. Baptiste, qui a fait les arrangements, je le connais depuis 12 ans, c’était le batteur de mon premier groupe à Nîmes. On a connu d’autres moments de musique ensemble, et aujourd’hui on est là ensemble, au Printemps de Bourges ! La notion d’étouffement n’existe pas chez nous, on est ensemble, c’est tout. La notion de groupe est importante pour moi,  ils sont toujours là et il n’y a aucune notion de hiérarchie, même si c’est mon nom qui est en haut de l’affiche. En quelques minutes de concert, on a compris notre amitié, et ça, ça me suffit.

On te voit arriver un peu timide, un peu gêné d’être pris en photo. Pour toi, c’est quoi, être un bon artiste en 2014 ?

Je ne pense pas que ce serait de ne pas être gêné d’être pris en photo. Là, je suis un peu impressionné car dans quelques heures je monte sur scène, dans un festival dont j’entends parler depuis des années, j’ai peur déjà. Je pense à répondre à vos questions, mais il y a encore 5 minutes j’étais avec les potes, on a bu une bière, on était ensemble, il y avait une énergie… Mais c’est vrai que cette chance que j’ai de jouer ici ce soir, et dans des festivals cet été où je rêvais de jouer voici 3 ou 4 ans, cette place-là, je ne la laisse à personne ! Mais j’ai une heure et quart pour le faire. Donc la vie d’artiste en 2014, c’est ce mélange un peu bizarre, la vie au quotidien et ces moments où il faut savoir se centrer.

Quand tu allais dans les festivals, tu étais plutôt confort ou plutôt débrouille, en tant que spectateur ?

A Lunel, la petite ville du Gard où j’ai grandi, il n’y avait pas de festivals. Plutôt des fêtes votives, des toro piscines, j’y’allais beaucoup. Après je suis allé aux beaux-arts à Nîmes, la musique n’était pas encore vraiment là, sauf que j’ai monté mon groupe en 5ème année. J’allais plutôt voir des expos. J’ai découvert bien plus tard l’ambiance des festivals, aux Vieilles Charrues ou aux Francos,  par exemple, où j’ai joué après  mon premier album et où je pouvais écouter les concerts des autres.

// : Tu es un des rares artistes français du moment à mélanger l’anglais et le français, à l’intérieur même des chansons. Cette gymnastique est nécessaire pour toi ?

Elle s’est imposée à mon écriture. J’ai essayé d’écrire un album d’amour à la femme que j’ai le plus aimée au monde. Je respecte la langue française, je ne pourrais pas supporter une rime qui me mette mal à l’aise, j’essaie de faire des couplets en utilisant cette langue de la façon la plus poétique possible et j’arrive au refrain, et là j’ai envie d’en faire un hymne, j’ai envie que le monde entier dise à cette femme ce que j’avais envie de lui dire dans le couplet précédent. «I need you so, I won’t let you go» C’est une synthèse de ce que je voulais dire, et anglais ça devenait universel. Pas d’effet de style là-dedans.

// : Avoir gagné La Nouvelle Star t’as privé de l’accès à certains médias, en raison du snobisme de certains et de ta présence aussi dans la presse people ?

(Un peu piqué au vif). C’était surtout il y a sept ans. Aujourd’hui j’ai la chance d’être interviewé par l’Equipe pour parler de Platini, de faire la couverture des Inrocks ou la quatrième de couv’ de Libé (mais on le voit aussi dans la presse People).  Personne ne m’a enlevé la place que je mérite peut-être par rapport à mon travail : je travaille, pour moi et pour d’autres, j’écris en français pour Julien Clerc ou Françoise Hardy,  je tourne, je fais des concerts où je donne tout, jusqu’à l’épuisement. Tout ça, je ne le vole à personne… C’est l’essentiel. Le reste c’est de l’analyse.

Cette victoire et cette grande visibilité au début de ta carrière t’ont permis d’éviter de passer par la case «tremplins régionaux» et autres concours…

Oui et non. Quand on allait  avec Baptiste voir les bars de Nîmes pour les convaincre de nous laisser jouer chez eux le samedi soir,  c’était une conquête ! On allait au bar de l’Olive à Nîmes conquérir la possibilité de jouer ! Allez, les gars, on va faire venir les potes des beaux-arts, vous allez vendre des bières, ça va être cool, faites-nous confiance ! Ca c’était une conquête aussi grande qu’un casting de Nouvelle Star ! Tout n’est pas si simple, je n’ai pas l’impression qu’avoir passé ce casting m’a donné plus de possibilités. Les couilles qu’il m’a fallu pour être dans la file d’attente, moi qui étais terrorisé par le monde de la télé. Résultat quand j’ai été choisi et que j’ai eu la possibilité de faire mes reprises, toutes ces peurs-là se sont évaporées… Quand vous avez la possibilité de vous exprimer, faites-le !

Pour revenir à l’album, il y a un documentaire associé qui s’appelle « Au cœur de Love », c’est quoi, un film de vacances entre copains ?

C’est le témoignage de l’enregistrement du disque, pour se souvenir des meilleurs moments.

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