Rencontre avec le chanteur Yannick Marais (dit Helmut) et Sébastien Miel (dit Raoul), guitariste de La Maison Tellier.
On parle de vous comme d’un groupe de folk/rock, vous en êtes où de la musique folk avec « Avalanche »?
Yannick : On a commencé comme un groupe de folk, aujourd’hui c’est moins vrai. On ne renie pas ça mais c’est un aspect de notre musique qu’on a eu envie de mettre de côté pour « Avalanche » le dernier album, on a voulu s’écarter de tout l’aspect chanson au coin du feu, on a essayé de mettre l’aspect cowboy entre parenthèses cette fois-ci.
À vous voir sur scène, et plus que sur l’album, la référence au Rock’n Roll américain et à Noir Désir paraît inévitable.
Est-ce assumé ?
Sébastien : La musique américaine oui complètement. Noir Désir par contre… C’est forcément un groupe qu’on a écouté quand on était ados. Y a un truc dans le timbre de la voix de Yannick qui est comme ça, on peut pas faire autrement, ils ont des voix qui sont proches, c’est un fait. Musicalement on a essayé de s’éloigner beaucoup à nos débuts de Noir Désir, tout en ayant les mêmes références qu’eux en fait, on aime bien les mêmes trucs qu’eux, le Gun Club tout ça.
Et puis c’est vrai qu’on est plus rock and roll en concert, mais eux l’étaient bien plus que nous. Noir Désir est quelque chose de si important dans le paysage rock français que forcément on y pense, on comprends que ça paraisse inévitable de nous associer à eux.
Dans Taros tu parles d’une chanson écrite comme « soufflée par le vent », c’est très poétique. Mais une chanson, cela s’écrit vraiment soufflée par le vent ?
(Rires) Yannick : Celle-là ouais un peu, c’est ça qui est rigolo. C’est une chanson qui parle du moment où on est allé écrire la fin de notre album au Maroc, à Essaouira, une ville où il y a beaucoup de vent, où le vent s’appelle le taros. C’est une chanson qui n’était pas évidente à écrire, qui ne venait pas facilement, et puis c’est devenu assez naturel d’aller chercher un truc basique qui allait raconter comment elle avait été faite, voilà.
La chanson « Où sont les hommes », qui parle de la place de l’homme dans la société aujourd’hui, est assez étonnante.
Yannick : Oui. Cette chanson est un peu une anomalie dans le disque. Elle est clairement ironique. Elle pose la question de où en est-on en tant qu’homme. Y a eu des modèles masculins ultra identifiables, t’avais juste à reproduire le modèle et voilà t’étais un homme. Aujourd’hui, on ne sait plus vraiment comment faire pour être un homme.
Sébastien : On a été élevé dans un univers soi-disant féministe, un peu hypocrite pour dire vrai, où soi-disant la femme était libérée alors que non. Ça nous pose question à nous en tant qu’homme et c’est vrai que la transition ne peut pas se faire en une génération. « Où sont les hommes ? », ben ils n’ont pas bougés, ils sont toujours au même endroit, il y a toujours des machos partout.
Globalement quand on est La Maison Tellier, comment on s’y prend pour écrire une chanson ?
Yannick : On est en train d’essayer d’écrire en ce moment, mais on sait pas trop trop comment s’y prendre, comment ça va venir.
Sébastien : Pour moi en ce moment c’est une période propice, où, en général quand je me pose avec ma guitare, au bout d’une demi-heure j’ai un truc. C’est un truc que je ne commande pas du tout, qui est fugace, alors voilà, en ce moment j’écris de la musique. C’est pas facile parce qu’on tourne pas mal, c’est pas du tout des conditions propices à ça. Mais y a des trucs qui viennent, je les notes, je les mets dans un coin et je les laisse reposer. C’est un peu comme un potager, j’ai des graines, je plante mes graines et puis on verra bien.
Yannick : Moi je fais des listes, des trucs que je note en ce moment, des phrases, des choses que je vois, des trucs auxquels je pense. Quand il faudra vraiment s’y mettre je prendrai des bouts de tout ça, des fois y a des bouts qui vont bien ensemble et ça fait une chanson. Les thèmes se dessinent quand il y a quelques lignes écrites, parce que ça sonne bien en fait. J’essaie de caser des cailloux assez gros dans mes chansons, pour faire une structure solide, et puis j’y ajoute des cailloux plus petits, des éléments qui claquent moins mais qui font de bonnes liaisons et qui dessinent une histoire des fois. Après si on veut passer en radio et faire des concerts, on est obligés d’avoir quelques chansons plus bêtement accessibles.
Sébastien : En ce moment c’est un truc qui me pose vraiment question : comment on fait pour faire une bonne chanson ? J’écoute la chanson de Pulp « Common people » ou il y a trois accords dedans. C’est ultra simple et pourtant cette chanson, c’est une tuerie. Y a rien, y a vraiment rien et ils font un chef d’œuvre avec ça. C’est des magiciens, c’est de la magie. C’est ça qui me plait dans l’écriture de la musique.
Y a quelque chose d’assez cinématographique dans votre musique.
Oui, la musique dans le cinéma c’est un personnage en plus. Regarder un film sans la musique, c’est plus du tout la même chose. Nous, il y a des moments où on se permet de donner autant d’importance à la musique qu’aux paroles, voire plus et du coup la musique devient une personne à part entière, qui raconte aussi une histoire. C’est ça, sans doute, qui peut donner cette impression cinématographique. On donne à chacun la possibilité de se faire son film.
Propos recueillis par Cathy Martineau et Julie Patillot