COMANCHERIA
de David Mackenzie (Ben Foster, Chris Pine, Jeff Bridges)
TEXAS.
Cinq lettres mythiques pour un état américain qui ne l’est pas moins.
Anciennement esclavagiste et toujours extrêmement conservateur, ses villes, ses paysages ont bercé tout cinéphile qui se respecte, et ce depuis depuis des lustres.
Hollywood l’a bien compris – depuis au moins 1915 – son cas passionne.
Et à juste titre.
En effet, que de « classiques » révérés, que de chef-d’oeuvres à dénombrer, grâce ou à cause de lui.
Aperçu non exhaustif :
« LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT » de John Ford, « LA RIVIÈRE ROUGE » d’Howard Hawks, « GÉANT » de Georges Stevens – l’ultime rôle de James Dean, son meilleur -, le crépusculaire « L’HOMME DE L’OUEST » d’Anthony Mann avec un Gary Cooper fatigué et malade, « LA HORDE SAUVAGE » de Peckinpah et son final jamais égalé depuis, « JFK » d’Oliver Stone, « MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE » – évidemment – et ses suites plus ou moins navrantes, le formidable polar – un peu oublié – « LONE STAR » de John Sayles, le sympathique « UNE NUIT EN ENFER » de Robert Rodriguez, le terrifiant « EMPRISE » de Bill Paxton sur le fanatisme religieux aboutissant au pire, « THE DEVIL’S REJECT » de Rob Zombie qui s’impose là, ou encore les récents et superbes « NO COUNTRY FOR OLD MEN » des frères Coen, « DALLAS BUYERS CLUB » de Jean-Marc Vallée et « KILLER JOE » de William Friedkin, avec son utilisation toute personnelle du manchon de poulet.
Un nouveau « candidat » débarque aujourd’hui dans les salles, présenté en mai dernier, à Cannes, dans la section « Un Certain Regard ».
Mérite-t-il de rejoindre au panthéon ses illustres prédécesseurs ?
Après la mort de leur mère, les frères Howard entreprennent une série de braquages de banques appartenant à la même compagnie. Et ce afin de rembourser cette même société bancaire pour éviter la saisie imminente de la ferme familiale. Toby, le plus futé des deux, celui qui a mis au point le plan, pense à l’avenir de ses enfants. Tanner, lui, vient de sortir de prison et excelle dans le maniement des armes à feu…
Mackenzie est un réalisateur anglais très intéressant à suivre de par ses choix de film et le traitement formel, souvent différent, qu’il y apporte.
Que ce soit « MY NAME IS HALLAN FOE », le troublant « PERFECT SENSE » ou encore le brutal « LES POINGS CONTRE LES MURS, à chaque fois des personnages principaux en marge de la société ou en passe de l’être, qui se battent pour un idéal de justice.
Ici, c’est encore le cas avec ce western moderne où nos deux « Robin des Bois » sont dans leur bon droit, se vengeant à leur façon de la société.
Pourtant, cette fois, notre britannique de service déçoit quelque peu avec ce « COMANCHERIA » (nom donné à la région habitée par les Comanches avant 1860 et où actuellement beaucoup d’habitants souffrent de la pauvreté et d’une criminalité toujours plus impitoyable liée à la drogue).
Si la mise en scène est solide, elle demeure néanmoins peu inspirée.
À l’exception de Jeff Bridges, en deçà de ses performances habituels, les comédiens sont très corrects – mention spéciale à Chris Pine, échappé de « STAR TREK », étonnant de profondeur.
En fait, le gros problème, c’est qu’on a déjà vu ce genre d’histoire beaucoup mieux traitée, notamment par les Coen.
Certes, la tentative de dresser en filigrane un état des lieux de la situation actuelle de paupérisation texane est plus que louable et, au détour de quelques plans, fonctionne. Mais celle-ci n’est qu’esquissée, parasitée par une pauvreté psychologique des protagonistes et des péripéties convenues.
Pas désagréable, des qualités mais, au bout du compte, trop anecdotique.
Les ancêtres des Indiens peuvent continuer à dormir tranquille.
BEN-HUR (3D)
de Timur Bekmambetov (Jack Huston, Toby Kebbell, Nazanin Boniadi)
Au départ, un roman de Lew Wallace de 1880.
À l’arrivée, plusieurs adaptations à l’écran dont une, remarquable, à l’époque du muet en 1925 avec la grande star mexicaine, Ramon Novarro, et une autre, incontournable, avec Charlton Heston en 59 et son sous-texte homosexuel prononcé.
Je ne vous ferais pas l’affront de vous raconter de quoi ça parle, vous connaissez.
Là, cette version résolument moderne, à coups d’effets numériques plutôt pas mal exécutés, est appréciable dans sa première heure (la séquence des galères est sublime), avant de se déliter quelque peu, faute d’enjeux à la hauteur.
La fameuse course de char est joliment troussée par le dénommé Bekmambetov, un russe ayant cartonné avec la saga fantastique des « NIGHT WATCH » et, inévitablement, récupéré par l’industrie californienne.
On a connu pire comme remake.
On a aussi connu mieux.
FRANTZ
de François Ozon (Pierre Niney, Paula Beer, Marie Grüber)
Dans une petite ville allemande, au lendemain de la guerre 14-18, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, elle aperçoit un jeune homme venu se recueillir sur la dépouille de son amour décédé. Peu de temps après, l’inconnu vient se présenter. Il s’appelle Adrien, est français et dit avoir connu Frantz à Paris. Sa présence à la suite de la défaite germanique va provoquer de vives réactions dans la ville…
Outre une belle photo due à Pascal Marti (complice habituel d’Ozon) et le charme de Paula Beer, jeune actrice allemande qui évoque un peu – concernant le port de ses toilettes – la Romy Schneider de « LA BANQUIÈRE » de Francis Girod, pas grand chose à sauver de cette nouvelle lecture de la pièce de Maurice Rostand, déjà adaptée par Ernst Lubitsch dans les années 1930.
Pierre Niney est trop en retrait, filmé comme le reste du casting, le plus souvent, en plan serré et jamais on ne croit à l’implication émotionnel des caractères évoluant devant nos regards.
C’est trop figé.
Cela manque de lyrisme.
Le passage du noir et blanc à la couleur – voulant magnifier la vie par rapport à la mort – , par instant, est maladroit et inutile.
« Ma première réaction a été de laisser tomber. Comment passer après Lubitsch ?! », s’est demandé l’ami François.
Cela aurait été préférable…
JEUNESSE
de Julien Samani (Kévin Azaïs, Samir Guesmi, Jean-François Stévenin)
Zico est un jeune homme désoeuvré qui traîne sur les quais du Havre et rêve d’embarquer à bord d’un cargo pour sillonner les mers. L’occasion se présentant, il se retrouve à bord d’un navire dirigé par un capitaine désabusé et par son second, irascible. Bien vite, la dureté de la vie quotidienne de l’équipage balaiera ses illusions…
Décidément, l’univers du romancier Joseph Conrad ne réussit guère à nos représentants français car après « GABRIELLE » de Chéreau et « LA FOLIE ALMAYER » de Chantal Akerman, voici un autre ratage concernant l’auteur impérissable de « LORD JIM ».
On s’ennuie beaucoup dans ce drame d’apprentissage porté par un fade Kévin Azaïs – César du meilleur espoir masculin pour le surestimé « LES COMBATTANTS » et qui peine à convaincre depuis.
Et ce n’est pas les présences du formidable Samir Guesmi et du patriarche Jean-François Stévenin, qui pourraient sauver un peu l’entreprise, tant leurs rôles sont sacrifiés.
Venant du documentaire, Julien Samani s’essaie ici à son premier long de fiction mais s’avère incapable de transcender son sujet, faute de parvenir à instaurer une atmosphère réellement prenante.
Comme ses prédécesseurs, il se targue d’avoir voulu créer de l’onirisme et, surtout, de faire – je cite – « un survival minimaliste » !
Arf, Arf, Arf, qu’il est bon de rire parfois.
L’affiche de la semaine : « THE GREAT WALL » de Zhang Yimou
Parce que le meilleur cinéaste chinois en activité se lançant dans une épopée mêlant dragon et mystères autour de la construction de la Grande Muraille – et avec Matt Damon, Willem Dafoe et Andy Lau ! – ne peut provoquer qu’une énorme érection chez la gente masculine et une humidité certaine chez la gente féminine normalement constitués.