LE 24 DÉCEMBRE
EXODUS : GODS AND KINGS (3D)
de Ridley Scott (Christian Bale, Joel Edgerton, Ben Kingsley)
Hollywood et la religion, c’est une passionnante histoire qui commence en gros dans les années 20 avec Cecil B DeMille.
Beaucoup traitèrent de thèmes bibliques ou s’en inspirèrent, avec plus ou moins de réussite : John Ford, Wyler, Nichols Ray, Scorsese, Mel Gibson (dont on ne dira jamais assez à quel point sa « PASSION DU CHRIST » est savoureuse) et d’autres.
Cette année, nous avons eu droit au délirant « NOÉ » de Darren Aronofsy avec un Russel Crowe sombre et inquiétant, puis à l’inédit chez nous mais médiocre « SON OF GOD » sur la vie de Jésus, pourtant gros carton outre-Atlantique.
Et voici que maintenant, sur l’échappée des juifs d’Egypte, déjà traitée dans « LES DIX COMMANDEMENTS » par DeMille (muet et parlant), Ridley Scott en propose sa version avec « EXODUS : GODS AND KINGS ».
En 1300 av JC, le pharaon Séti Ier régne avec sagesse et fermeté. A ses côtés, son fils, Ramsès, et Moïse, un garçon qu’il a recueilli a la naissance et élevé comme son propre enfant. A sa mort, Ramsès hérite du trône. Découvrant la véritable origine de son «frangin», il l’exile. Celui-ci tentera, alors, de libérer 600 000 esclaves hébreux d’un joug qui dure depuis des siècles…
L’industrie de l’Oncle Sam, pour les plus pervers d’entre nous, lorsqu’elle passe outre certains faits avérés, peut parfois donner de sublimes aberrations.
On saura donc gré à l’auteur de « BLADE RUNNER » de prendre des libertés avec la vérité historique vu, par exemple, qu’au moment des l’exode, Moïse a vers les 80 piges et non pas 40 comme Christian Bale présentement et, qu’ici, c’est un guerrier aguerri.
C’est le seul louange qu’on lui adressera car pour le reste…
Entre un Ramsès sans aucune finesse psychologique – Joel Edgerton, acteur d’ordinaire inspiré (« ANIMAL KINGDOM ») mais ici proche du grotesque – et un Moïse (Christian Bale, convaincu à défaut d’être convaincant) découvrant sa foi nouvelle en courant après des moutons et conversant, alors qu’il grave les fameuses Tables de la Loi, avec un gamin, censé personnifier Dieu, lui servant le thé (!), le spectateur a du mal à se sentir concerné et le fou rire, parfois, n’est pas loin (John Turturro en Séti Ier).
« Et les effets spéciaux ? », me direz-vous, « parce que le déluge, il avait l’air d’avoir de la gueule dans la bande-annonce. »
Certes, le rendu des Dix Plaies d’Egypte n’est pas si mal, tout comme celui des grosses vagues se refermant sur les malheureux qui n’ont pas eu le temps de traverser la mer, mais, en définitive, cela ne sert pas à grand chose hormis à justifier la 3D, et encore.
Pourtant tout était là sur le papier mais Scott, en bâclant son affaire, ajoute, après « PROMETHEUS » et « CARTEL », une preuve supplémentaire, pour celles et ceux qui en douteraient encore (doivent-ils s’acheter des yeux ?), que sa grande période est bien révolue.
WHIPLASH
de Damien Chazelle (Miles Teller, J.K Simmons, Paul Reiser)
Andrew (Teller), 19 ans, est étudiant au conservatoire de musicologie de Manhattan avec l’obsession de devenir l’un si ce n’est le meilleur batteur de jazz de sa génération. Repéré par Terence Fletcher (Simmons), un professeur intransigeant et d’une férocité extrême, qui l’enrôle à titre d’essai dans son orchestre composé des éléments les plus prometteurs, notre jeune prodige va s’apercevoir combien la route menant au succès est douloureuse…
Il est de ces films qui, dès les premières minutes, vous happe pour ne plus vous lâcher, comme ce « WHIPLASH », encensé à Sundance (où il rafla le Grand Prix du Jury et le Prix du Public) et à Cannes où il fut présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.
Damien Chazelle signe, pour son deuxième long métrage – après le formidable « GUY AND MADELINE ON A PARK BENCH », drame musical en noir et blanc, mélangeant John Cassavetes des débuts et Jacques Demy, jamais sorti en France – un bijou d’émotion brute, sauvage, entraînant, fustigeant à sa façon la success story à l’américaine avec son absolutisme et ce qu’elle peut engendrer (dégâts physiques, mental perturbé) et en même temps, montrant sa nécessité pour parvenir à ses fins.
L’opposition entre Miles Teller (« THE SPECTACULAR NOW »), comédien se bonifiant d’oeuvre en oeuvre, et J.K. Simons (inoubliable chef de gang aryen dans la série tv OZ), est d’une intensité rare et se solde sur un solo de batterie mémorable, donnant tout son sens au récit.
« WHIPLASH » est à l’exact réplique de ce que la romancière québécoise Andrée Maillet écrivait à propos du jazz : « Il est vif, douloureux, doux, tendre, lent ; il apaise, il bouleverse, c’est de la musique et ce qu’il rythme est vrai, c’est le pouls de la vie. »
COMMENT TUER SON BOSS 2
de Sean Anders (Jason Bateman, Jason Sudeikis, Charlie Day)
Après le sympathique « COMMENT TUER SON BOSS ? » de Seth Gordon qui voyait trois compères ne supportant plus la tyrannie de leurs patrons respectifs et valant surtout pour le numéro de Kevin Spacey en gros pourri, il fallait s’attendre à une suite.
C’est choses faite.
Nick, Kurt et Dale veulent monter leur propre business, centré autour d’un pommeau de douche fournisseur de shampoing (invention existant réellement). Approchant un investisseur leur promettant monts et merveilles, ils lancent la production de leur produit. Mais une brusque décision de ce financeur les prive du contrôle de leur entreprise et de capital. Pour se venger, ils decident de kidnapper son fils et d’exiger une rançon…
L’alchimie entre Jason Bateman, Charlie Day et Jason Sudeikis fonctionne parfaitement cette fois et est digne de celle existant entre les Pieds Nickelés de Louis Forton.
Ajoutez-y des personnages de l’opus précedent (Jennifer Aniston en dentiste nymphomane, Jamie Foxx en malfrat inoffensif) et des nouveaux caractères (Christoph Waltz et Chris Pine, épatants en méchants hommes d’affaires), des situations ubuesques, des dialogues crus et vous obtenez une comédie très drôle par un scénariste, Sean Anders, rompu à l’exercice (« LA MACHINE A DÉMONTER LE TEMPS », « LES MILLER, UNE FAMILLE EN HERBE », déjà responsable, derrière la caméra, de « CRAZY DAD » avec Adam Sandler.
Comme quoi, l’alternance peut avoir du bon.
20 000 JOURS SUR TERRE
de Iain Forsyth et Jane Pollard (Nick Cave, Susie Bick, Warren Ellis)
Vous aimez Nick Cave, sa carrière, ses Bad Seeds, son côté dandy maudit, ses chansons emplies de poésie noire, son allure dégingandée et vous vous demandez d’où lui viennent son inspiration, ses influences, sa façon de penser le monde, ses souvenirs, ses amis ?
Alors consulter les programmes de votre salle préférée pour savoir si elle diffuse ce documentaire envoûtant et instructif de deux férus d’art contemporain sur un créateur décidément admirable.
Si oui, foncer.
Si non, gueuler.
LE 31 DÉCEMBRE
COLD IN JULY
de Jim Mickle (Michael C. Hall, Don Johnson, Sam Shepard)
Jim Mickle est soi-disant un parangon incontournable d’un certain cinéma de genre.
Franchement, hormis « MULBERRY ST » et « STAKELAND », à petite dose, et au regard de son horripilant « WE ARE WHAT WHE ARE », bourré de tics inutiles, remake du mexicain « NE NOUS JUGEZ PAS », on peut être circonspect.
Avec « COLD IN JULY », tiré d’un livre de Joe R. Lansdale, le doute n’est plus permis.
En contant l’histoire de cet habitant du Texas, en 1989, qui, en tuant en état de légitime défense un inconnu entré dans sa maison va plonger au coeur d’une sombre machination, Mickle livre un produit ennuyeux au possible, n’arrivant jamais à transcender son sujet et incapable de transcrire l’ambiance du sud profond.
Michael DEXTER C.Hall et Sam Shepard sont mauvais et désincarnés. Don Johnson est légèrement mieux mais pas de quoi, non plus, fouetter un chat.
A nous faire regretter amèrement n’importe quel épisode d’ HOLLYWOOD NIGHT.
LES TOPS/FLOPS 2014
Attention, ce classement ne concerne que les oeuvres sorties dans les salles.
FLOPS 2014 :
10 – « ON A MARCHE SUR BANGKOK » de Olivier Baroux (et les ¾ des comédies françaises)
9 – « I, FRANKENSTEIN » de Stuart Beattie / «[REC 4], APOCALYPSE» de Jaume Balagueró
8 – « ABUS DE FAIBLESSE » de Catherine Breillat
7 – « MONUMENTS MEN » de George Clooney
6 – « THE SEARCH » de Michel Hazanavicius
5 – « UNE NOUVELLE AMIE » de François Ozon
4 – « SIN CITY : J’AI TUÉ POUR ELLE » de Frank Miller et Robert Rodriguez
Podium :
3 – « MOMMY » de Xavier Dolan
2 – « LUCY » de Luc Besson
1 – « INTERSTELLAR » de Christopher Nolan
TOPS 2014 :
10 – « HERCULE (3D) » de Brett Ratner
9 – « DU SANG ET DES LARMES » de Peter Berg
8 – « MISTER BABADOOK » de Jennifer Kent
7 – « LE VENT SE LÈVE » de Hayao Miyazaki / « LES AMANTS ELECTRIQUES » de Bill Plympton
6 – « LES ÂMES NOIRES » de Francesco Munzi
5 – « DES CHEVAUX ET DES HOMMES » de Benedict Erlingsson
4 – « GODZILLA (3D) » de Gareth Edwards
Podium :
3- « C’EST EUX LES CHIENS » de Hicham Lasri
2 – « WHIPLASH » de Damien Chazelle
1 – « HER » de Spike Jonze
On se retrouve le 7 janvier, pour le début d’une année 2015, croyez-moi, fort riche.