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Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 68

LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT

de Jaco Van Dormael (Benoît Poelvoorde, Pili Groyne, François Damiens)

 

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Six ans que nous n’avions pas ou peu de vraies nouvelles du cinéaste belge le plus original de sa génération.
Tout au plus, nous savions qu’il travaillait sur un projet foutraque.
Ce dernier a été dévoilé, en mai, lors du cru 2015 de la Quinzaine des Réalisateurs.
Un retour aux sources pour celui qui y avait présenté son premier long de fiction, « TOTO LE HÉROS », en 1991.
Dieu habite Bruxelles, avec sa femme qui passe son temps à tricoter et est fan de baseball. C’est un être méchant et acariâtre. Sa fille, Ea, 10 ans, ne le supportant plus, pirate son ordinateur et envoie par SMS les dates de décès de tout le monde. Elle fugue alors, se mettant dans l’idée de rassembler 6 apôtres pour écrire un tout Nouveau Testament…
Comme dans les précédentes oeuvres de Jaco Van Dormael, une solide dose de poésie est omniprésente.
A l’instar de l’excellent « MR. NOBODY », mais traitée de façon différente, nous assistons à une réflexion sur l’absurdité de la condition humaine avec tout ce qui va avec : les moments de joie et de peine.
Car chez Dormael, on rit (ici beaucoup) et on s’émeut également.
Ce qui impressionne toujours chez lui, c’est l’aisance de pouvoir passer d’un registre d’humour noir à un autre, plus grave.
Non content de faire de Dieu, un salaud pathétique (Poelvoorde est irrésistible, comme les autres comédiens), « LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT » égratigne aussi, par petite touche subtile, nos comportements usuels de chaque jour.
Que ce soit Catherine Deneuve en bourgeoise malheureuse (qui joue là, délicieusement, avec son image), François Damiens en homme sans affect, aimant tuer, Serge Larivière (« HENRI ») en puceau obsédé ou encore la frêle Laura Verlinden (actrice peu connue par chez nous) en célibataire meurtrie par la perte de son bras gauche, tous incarne des accidentés de la vie, nous renvoyant à nos propres existences et les tracas divers et variés que l’on peut rencontrer.
La juvénile Pili Groyne, campant la fille du Créateur, est l’incarnation même de l’enfance vue par l’auteur du « HUITIÈME JOUR : révoltée, passionnée, naïve, têtue.
Iconoclaste mais maitrisé de A à Z, touchant juste, bouleversant par moment, intelligent, voici une petite merveille revigorante.
Jaco ce héros.

 

 

LA VOLANTE

de Christophe Ali et Nicolas Bonilauri (Nathalie Baye, Malik Zidi, Johan Leysen)

 

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Outre les frères Larrieu (et encore), on ne peut pas franchement dire que les quelques duos français (même sans lien de parenté) en exercice, fassent des étincelles derrière la caméra.
Maury et Bustillo (« À L’INTÉRIEUR ») pour le genre horrifique, on repassera malgré une évidente sincérité.
Idem pour Nakache et Toledano avec le raté « SAMBA » pour la comédie dramatique.
Mais avez-vous déjà entendu parler de Christophe Ali et Nicolas Bonilauri, bien plus discrets que les précédents susnommés ?
En 2001, notre tandem débuta avec « LE RAT », sidérant film muet en noir et blanc où un serial killer est épié, chez lui, par un rongeur.
Puis en 2005, c’est « CAMPING SAUVAGE », excellent suspense autour d’un amour interdit avec Denis Lavant et Isild le Besco, d’après un authentique fait-divers.
Et maintenant, voici « LA VOLANTE ».
Thomas, un cadre supérieur, conduit à la maternité sa femme sur le point d’accoucher. En chemin, sous une pluie battante, après un instant d’inattention, il percute un jeune homme qui décède peu de temps après. La mère de ce dernier, Marie-France, ne s’en remet pas. Neuf années s’écoulent. Marie-France postule à un poste de secrétaire vacant pour cause de congé-maladie, celui d’assistante de Thomas…
Plus accessible pour le grand public que leurs travaux d’avant, Ali et Bonilauri signent un bon thriller psychologique, au déroulement classique mais rondement mené, lorgnant vers Hitchcock (petits hommages glissés par endroit) et Chabrol.
Cela fait plaisir de voir Nathalie Baye dans un rôle plus ambitieux que ces récentes prestations. Elle s’avère très inquiétante en vengeresse perverse, même si proche du grotesque à deux-trois reprises.
Malik Zidi, comédien intéressant, qui malgré ses différentes nominations et prix aux Césars, n’a jamais vraiment confirmé, trouve là un bel emploi.
Vous l’aurez compris, rien de neuf sous le soleil ici, juste du solide travail d’artisan.
Et cela suffit.

 

 

CEMETERY OF SPLENDOUR

de Apichatpong Weerasethakul (Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram)

 

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Un groupe de soldats atteints d’une mystérieuse maladie est transféré dans un hôpital de fortune, installé dans une école abandonnée. Jen, une quinquagénaire, se porte volontaire pour s’occuper de ces soldats plongés dans un profond sommeil, qui se réveillent parfois avant de se rendormir brusquement quelques heures plus tard. Elle se lie d’amitié avec l’un d’eux, Itt…
Lauréat de la Palme d’or en 2010 avec « ONCLE BOONMEE », Weerasethakul a beaucoup tourné depuis (documentaires expérimentales, fiction) et, malheureusement, ce qu’il en a résulté demeure inédit en salle, chez nous, comme le superbe « MEKONG HOTEL » (cependant projeté au Festival de Cannes).
Avec son nouveau long métrage, notre thaïlandais continue à méditer sur son pays où les traditions sont mises à mal par la modernité de la société.
Ouvertement nostalgique, l’auteur de « TROPICAL MALADY » nous régale encore une fois avec une oeuvre poétique en diable, posée, hypnotique, mythologique, où le poids des ans et la jeunesse passée sont magnifiquement rendus : par un regard, une parole, une attitude.
Payant son tribut, comme précédemment, à la culture populaire avec laquelle il a grandi, le sieur Apichatpong réutilise des acteurs qu’il a déjà employé dont Jenjira Pongpas (peu usitée par l’industrie, du fait de sa jambe paralysée suite à un accident de moto), et les placent dans des décors simples mais sublimés par une photo en lumière naturelle, parfois proche du rêve.
Présenté cette année à Un Certain Regard, « CEMETERY OF SPLENDOUR » méritait sans l’ombre d’un doute une place en compétition officielle, contrairement aux 3/4 de nos représentants hexagonaux, assez médiocres.
La vie est parfois injuste.

 

 

MISS HOKUSAI

de Keiichi Hara (Avec les voix de Kumiko Âso, Ikeda Zenjirô, Kengo Kôra)

 

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Gauguin, Monet, Van Gogh et d’autres lui doivent beaucoup.
Katshushika Hokusai, génie absolu des estampes japonaises gravées sur bois, peintre admirable, atteignit la gloire au début du XIXe siècle et laissa 30 000 dessins.
Vous connaissez forcément tous « La Grande Vague de Kanagawa », mondialement reprise.
Mais saviez-vous qu’une de ses filles l’assista durant son existence et finissait même, de temps en temps, les tableaux à sa place.
Keiichi Hara, le prodigieux responsable de « UN ÉTÉ AVEC COO » et surtout « COLORFUL », nous explique cela en adaptant un manga à succès, centré sur cette progéniture méconnue.
Il faut avouer une légère déception avec ce « MISS HOKUSAI », primé à Annecy, car si la technique d’animation choisie force le respect et l’admiration, il en est tout autre du contenu à proprement parler.
En lieu et place d’un portrait pénétrant d’une artiste, nous avons plutôt droit à une description de la société de l’ère Edo où ladite dessinatrice ne sert que d’alibi.
Pourquoi pas.
Seulement, il y a un trop grand déséquilibre narratif entre les intentions de Hara et ce qui apparaît réellement : intrigues décousues et séquences isolées sans véritable fil conducteur empêchent toute immersion durable du spectateur.
Certes, c’est splendide mais quelque peu lassant.
La magie n’opère pas.
Y’a t’il un docteur dans la salle ?

 

 

L’inédit de la semaine : TURBO KID

de François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell

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Imaginez « MAD MAX », qui en lieu et place de son bolide automobile, se déplacerait en BMX.
Ses ennemis également.
Imaginez ce même « MAD MAX », adolescent, vêtu d’un costume a côté duquel celui d' »X-OR » parait fade.
Arrêtez de vous triturer les méninges pour savoir à quoi cela pourrait ressembler : « TURBO KID » arrive !
1997. Dans un monde ravagé par l’apocalypse où l’eau est une denrée rarissime, le Kid, passionné de BMX et de comics, tente de survivre selon ses propres règles. L’arrivée d’Apple, une jeune femme délurée, le suivant partout va bouleverser son quotidien. Surtout lorsque celle-ci se fait kidnapper par les hommes de main de Zeus, tyran local. N’hésitant pas une seconde et revêtu du costume de Turbo Man, son super-héros de papier, avec un gant envoyant des rayons lasers surpuissants, notre apprenti redresseur de torts se lance à son secours…
Rassemblant toute la fine fleur du cinéma indépendant de genre canadien dans des seconds rôles, « TURBO KID » est un joyeux délire qui, malgré son budget anémique, est parfaitement maîtrisée.
Drôle, outrancièrement gore, mélangeant « MAD MAX » donc, « LE GANG DES BMX » (improbable nanar des « eighties » qui vaut le détour, et pas seulement pour les débuts de Nicole Kidman) et les dessins animés comme « KEN LE SURVIVANT », « TURBO KID » prouve une énième fois que même si l’on a pas de pognon mais des idées, on peut arriver à quelque chose.
Permettant de retrouver cette trogne de Michael Ironside, immense méchant devant l’éternel (le flic pourri de « TOTAL RECALL ») ainsi que de découvrir des nouvelles têtes sympathiques, ne loupez-pas cette absurdité roborative, lancée à Sundance et qui devrait prochainement s’afficher dans quelques festivals frenchies dont un, du côté de Strasbourg, dont je vous parlerai bientôt.

 

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