LEGEND
de Brian Helgeland (Tom Hardy, Emily Browning, Colin Morgan)
On ne compte plus les gangsters de tout poil qui pullulent sur les écrans depuis que le septième art est né.
Certains ont réellement existé et, avant même leur immortalisation sur pellicule, ont défrayé la chronique en leur temps et sont devenu d’authentiques mythes, encore célébrés.
Aux USA, plus que Bonnie et Clyde, plus que Baby Face Nelson, plus que John Dillinger, plus que George « Machine Gun Kelly », plus que certains rappeurs déviants, la figure tutélaire restera – quoi qu’on en pense – Al Capone (« SCARFACE », c’est lui).
En Colombie, Pablo Escobar.
En Italie, Salvatore Giuliano, Lucky Luciano et Toto Riina.
Nous même, en France, possédons quelques « icones » dans le genre, qui eurent également droit à « leur » film : Paul Carbone, Pierre Loutrel et son « Gang des Tractions Avant », Jacques Mesrine, Tony Zampa, Spaggiari et quelques autres.
En Angleterre, malgré Dominic Noonan, ce sont les Frères Krays qui restent dans les mémoires.
Ces jumeaux, qui régnèrent presque sans partage sur Londres dans les années 50 et 60, eurent déjà droit à un long métrage en 1990, « THE KRAYS », de bonne facture, réalisé par Peter Medak, un petit maître intéressant à qui l’on doit, notamment, le troublant « L’ENFANT DU DIABLE » sur un pianiste se confrontant au surnaturel dans sa nouvelle demeure.
Toujours à la recherche de projets rémunérateurs, Universal, via une de ses succursales – épaulée par un studio indépendant – a décidé de se pencher de nouveau sur ce duo de truands, non pas en remakant (ça change) la seule version existante, mais en adaptant une biographie écrite après l’arrestation de nos lascars et publiée en 1972.
Brian Helgeland (« CHEVALIER ») s’en est vu confier les rênes.
Dans les sixties, Reggie et Ronnie Kray, bandits violents, règnent sans partage sur la capitale britannique. Alors que Reggie, le plus gentlemen et le plus intelligent des deux, va se marier, Ronnie, homosexuel notoire, a de plus en plus de mal à réfréner sa schizophrénie. Des divergences d’opinion sur la façon de conduire les affaires commencent à apparaître. Leur empire y survivra t’il ?…
Scénariste capable du meilleur (« L.A. CONFIDENTIAL », « MYSTIC RIVER », « MAN ON FIRE »), comme du pire (« CRÉANCE DE SANG », « GREEN ZONE »), Helgeland était passé à la réalisation avec « PAYBACK », sympathique petite série B policière où Mel Gibson, sortant de prison, se vengeait de son ancien partenaire de crime. Après deux oeuvres honnêtes avec le regretté Heath Ledger, il fit dans le biopic sportif avec « 42 », sur un champion de base-ball, toujours inédit chez nous, comportant cependant d’indéniables qualités.
Habile artisan, il renoue ici avec le polar où, fidèle à son habitude, il laisse la part belle aux comédiens qui peuvent généralement oser plus de choses que d’ordinaire.
Et ce que fait Tom Hardy – à peine remis de « MAD MAX : FURY ROAD » – qui s’éclate littéralement dans ce « véhicule » fait pour lui.
Car ce que l’on retient avant tout de ce produit parfaitement calibré (un peu trop justement), c’est sa performance dans ce double rôle.
Tour à tour, séduisant et inquiétant, il porte ce « LEGEND » sur ses larges épaules.
Le reste (décors, lumière, autres interprètes) fait le job correctement.
On peut regretter la quasi-absence de traitement psychologique des liens unissant les deux frangins criminels, alors que dans quelques scènes, de timides tentatives sont pourtant amorcées mais non finalisées.
Mais bon, l’essentiel est là : divertir.
LES CHEVALIERS BLANCS
de Joachim Lafosse (Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli)
Ayant convaincu des familles françaises en mal d’adoption de financer une opération d’exfiltration d’orphelins d’un pays d’Afrique dévasté par la guerre, Jacques Arnault, président d’une ONG, entouré d’une équipe de bénévoles motivés, a un mois pour trouver 300 enfants en bas âge et les ramener en France. Persuadé de convaincre facilement ses interlocuteurs africains et les chefs de village, et de mener ainsi rondement sa mission, il va vite désenchanter…
S’inspirant de l’affaire de l’Arche de Zoé survenue en 2007 (des humanitaires ont fini en prison), Joachim Lafosse, après « À PERDRE LA RAISON », poursuit sur la thématique de la manipulation exercée au nom du bien.
Si dans son précédent long avec Émilie Dequenne, en dépit d’une maladresse d’écriture, il parvenait à imposer une tension palpable, il n’en est rien du tout présentement.
Échouant dans sa tentative d’apporter un éclairage pertinent sur ce fait divers et de justifier les actes de Jacques Arnault et son équipe, de par une lourdeur de scénario véhiculant quelques clichés – l’appât du gain chez la population noire – et des comédiens trop approximatifs (Louise Bourgoin, risible et improbable, Lindon, jamais investi, Donzelli aux abonnés absents et Reda Kateb, mauvais), l’auteur de « NUE PROPRIÉTÉ » déçoit.
Rendez-nous Gérard Lanvin, le seul, le vrai, l’unique « CHEVALIER BLANC » !
THE DANISH GIRL
de Tom Hooper (Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Amber Heard)
Hahahahahaha, qu’est-ce qu’on rigole.
Non mais, franchement, de qui se moque t’on ?
Un biopic sur le premier homme de l’histoire à avoir subi une opération pour changer de sexe.
Rien que ça.
Alors j’entend déjà les membres de la LGBT : « Ouaisssss, enfinnnnnn, la reconnaissance, trop cooooool. »
Stop !
On se calme et on prend ces gouttes.
Si sur le papier cela s’annonçait prometteur et aurait du donner quelque chose d’important, il n’en est rien.
Mais, d’abord, ne mettons pas la charrue avant les boeufs.
De quoi donc ça cause, « THE DANISH GIRL » ?
En 1926, Einar Wegener et son épouse, Gerda, sont un couple artistes danois en vogue résidant à Copenhague. Lui est paysagiste et elle portraitiste mondain. Un jour, devant terminer un tableau pour une cliente servant de modèle, et qui n’est pas venue pour la dernière séance de pose, Gerda demande à son mari de remplacer l’indélicate et de revêtir sa robe pour qu’elle puisse achever son travail. Einar ressent d’étranges sensations et finira par créer un alter-ego, Lili Elbe, qui lui permettra d’exprimer toute sa féminité, jusqu’à vouloir devenir femme à part entière…
« On peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants ».
Cette fameuse citation attribuée à Alexandre Dumas, n’a plus été mise en exergue depuis longtemps par Hollywood, et cela continue.
Ce n’est pas parce que ce drame raté à Oscars ultra-programmés (je vous fiche mon billet qu’il en aura peu, et ce ne serait que justice) est tiré d’un récit romancé sur la vie de Lili Elbe, que l’on est autorisé à faire n’importe quoi, de réviser l’histoire parce que cela facilite bien des choses scénaristiquement.
Non, surtout lorsque l’on connait le cheminement des deux bohèmes.
Gerda Wegener était avant tout une admirable illustratrice et dessinatrice, alors que ses portraits ont beaucoup moins d’intérêt.
À aucun moment, le rapport à l’art, primordial dans le cas présent, n’est exploité.
Nous avons juste droit à des atermoiements insupportables d’Eddie Redmayne, qui après la statuette remportée l’an passé, espère faire la passe de deux, en transsexuel sur le tard.
Tom Hooper poursuit dans la veine académique et poussiéreuse qui le fit connaitre avec le surestimé « LE DISCOURS D’UN ROI ».
Alicia Vikander (le robot de « EX-MACHINA »), en Gerda, tente de sauver les meubles comme elle peut, mais manque de pot, ce n’est pas elle qui est au centre de l’attraction.
C’est con.
Comme ce film.
CHORUS
de François Delisle (Sébastien Ricard, Fanny Mallette, Geneviève Bujold)
La vie d’Irène et Christophe s’est brisée, un après-midi, quand leur fils a disparu après l’école. Chacun de son côté a surmonté à sa façon cette épreuve, lui à l’étranger, elle en reprenant sa carrière au sein d’une chorale. Dix années s’écoulent. Un appel de la police, concernant un corps retrouvé, les amène à se retrouver…
Pas le plus connu des cinéastes québécois – rapport à Dolan, Villeneuve ou Denys Arcand – François Delisle (« LE MÉTÉORE »), discret, est cependant l’un des plus talentueux.
Dans un noir et blanc, mi-charbonneux, mi-immaculé, il signe un métrage fort, poignant sur le deuil et son acceptation ou non, tandis que toujours subsiste un mince espoir, sublimé par deux acteurs touchants de pudeur.
Pas besoin d’en dire plus.
L’affiche de la semaine : « SUICIDE SQUAD » de David Ayer
Parce qu’il n’y aura peut-être que cela à sauver de ce concurrent des super-héros de l’écurie MARVEL, sortant cet été, qui donne la vedette à une équipe de super-méchants plus bad-ass les uns que les autres, dont le Joker, exécutant des missions extrêmes pour le gouvernement américain en échange d’une amnistie – malgré la distribution imposante et David Ayer (« FURY » !), à cause surtout d’une dernière bande-annonce sentant fort sous les bras.