MADEMOISELLE (Compétition Officielle) (sortie prévue le 5 octobre)
de Park Chan-wook (Kim Min-Hee, Kim Tae-ri, Jung-woo Ha)
Park Chan-wook fut certainement le plus dérangeant et le plus jusqu’au-boutiste des quelques réalisateurs responsables du renouveau du cinéma sud-coréen au début des années 2000.
En 2004, Tarantino (qui, à l’époque, ne s’était pas encore fourvoyé) et son jury cannois lui avait accordé le grand prix pour son imparable « OLD BOY ».
« THIRST, CECI EST MON SANG », son film de vampire intimiste inspiré d’Émile Zola, avait lui récolté le prix du jury en 2009.
Depuis, le natif de Séoul a quelque peu déçu avec « STOCKER », thriller fortement hitchcockien mais tournant à vide.
Cette fois, il revient monter les marches du tapis rouge avec l’adaptation d’un polar britannique de Sarah Waters, écrivaine de grand talent.
Corée. Années 30, pendant la colonisation japonaise. Une jeune femme, Sookee, est engagée comme servante d’une riche nippone, Hideko, qui vit recluse dans un immense manoir sous la coupe d’un oncle tyrannique. Soudain, un escroc – se faisant passer pour un comte – débarque dans l’intention d’épouser Hideko. Sookee et le faux aristocrate sont en fait de mèche et ont un plan bien précis concernant l’habitante fortunée…
Alliant généralement la violence psychologique et physique, souvent pour le meilleur (« SYMPATHY FOR MR. VENGEANCE »), Chan-wook s’est toujours passionné pour le trouble et comment celui-ci apparaît chez ses personnages, les bons comme les méchants.
Ici, il n’a peut-être jamais poussé cette thématique aussi loin.
Se situant originellement dans l’Angleterre Victorienne, l’action a donc été déplacée au pays du Matin calme de l’Entre-deux-guerres – ce qui fait preuve de cohérence et de pertinence car les moeurs des deux sociétés, à un demi siècle d’écart, sont semblables sur plusieurs aspects (rigidité, hypocrisie des puissants…).
Citant ouvertement les productions fantastiques de la « HAMMER », l’univers d’Edogawa Rampo – auteur fabuleux de bouquins policiers, mélange de Maurice Leblanc et de Conan Doyle -, le pinku eiga (roman porno) et les estampes asiatiques, le responsable de « JE SUIS UN CYBORG » – malgré parfois quelques légères baisses d’intensité – nous offre, ni plus ni moins, qu’une émouvante oeuvre érotique lesbienne – respectant en cela une partie du livre de Waters – mais pas que.
Visuellement superbe et bénéficiant d’un travail incroyable sur les décors, d’une minutie confondante, nous assistons à un jeu de dupes des différents protagonistes – où la véracité des sentiments amoureux (les purs comme les corrompus) mènent le bal – magnifié par un duo d’actrices épatantes (double prix d’interprétation envisageable).
L’ironie est également de mise mais s’avère, cela va de soit, particulière et grinçante.
Les scènes corporelles sont intenses.
Ludique et pénétrant (sans mauvais jeu de mot), « MADEMOISELLE » s’impose.
MOI, DANIEL BLAKE (Compétition Officielle) (sortie indéterminée)
de Ken Loach (Dave Johns, Hayley Squires, Micky McGregor)
Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l’obligation d’une recherche d’emploi sous peine de sanction. Sa rencontre avec Rachel, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d’accepter un logement à plusieurs centaines de km de sa ville natale pour ne pas être placée en foyer d’accueil, va l’encourager dans sa lutte contre l’aberration de l’administration…
Bon, on ne va pas en faire un fromage.
Si le talent de metteur-en-scène de Ken Loach est toujours intact, on ne peut s’empêcher de ressentir une sorte de répétition de la part du maître anglais (comme Woody) dans cette énième charge du système.
N’arrivant pas, présentement, à mélanger humour et drame, il se repose avant tout sur un comédien, Dave Johns, certes très convaincant, mais au parcours balisé et sans surprise.
Pas désagréable mais cela relève de l’anecdote, malgré l’importance et la gravité du sujet.
Ce coup-ci, le vent ne s’est pas levé.