THE STRANGERS (Hors Compétition) (sortie prévue le 6 juillet)
de Na Hong-jin (Kwak Do-Won, Hwang Jeong-min, Chun Woo-hee)
En règle générale, les films coréens montrés à Cannes, ces dernières années – en sélection officielle ou parallèle – sont d’une qualité indéniable variant du bon (« A HARD DAY ») à l’excellent (« MOTHER », « TRAIN TO BUSAN »).
Na Hong-jin, un des récents talents asiatiques les plus prometteurs, a déjà connu le Hors Compétition en 2008 via son son premier long, le démentiel « THE CHASER », avec ce proxénète pourchassant le serial-killer qui assassine ses filles dans des rues en pente.
Une leçon de mise en scène.
Puis en 2011, à « Un Certain Regard, ce fût « THE MURDERER » – un chauffeur de taxi devient tueur à gage pour payer ses dettes de jeu – aussi brillant techniquement mais moins immersif.
Le voici de retour avec « THE STRANGERS », à la gestation compliquée vu que cela nécessita près de 3 ans d’écriture, des repérages interminables, six mois de tournage et un an de post-production.
Autant dire que nous étions fort impatients de pouvoir juger du résultat.
Jong-Goo est officier de police dans une bourgade rurale. Fainéant, il habite avec sa femme, sa petite fille et sa mère. Soudain, certains habitants du village commencent inexplicablement à s’entretuer de manière violente. La présence, récente, d’un vieil étranger qui vit en ermite dans les bois attise rumeurs et superstitions. Jong-Goo, dépassé par les évènements tout comme sa hiérarchie, confronté au surnaturel et craignant pour sa famille, fait alors appel à un chaman…
Après un quart d’heure initial où le versant comique de notre flic – mêlé à des éléments sanguinolents – laisse quelque peu dubitatif, Hong-jin évacue rapidement toute malice et met ensuite un point d’honneur à installer un climat lourd, de tension latente – montant progressivement – sur les 2 H 20 restantes.
Véritable thriller fantastique horrifique dans tous les sens du terme (psychologiquement et physiquement), d’un pessimisme quasi total, questionnant les croyances sur la foi les plus intimes, possédant des moments hallucinants d’angoisse (la séquence d’exorcisme, une poursuite dans les bois), déroutant et servi par un solide casting – dont Hwang Jeong-min (« VETERAN ») et le japonais Jun Kunimura (« AUDITION ») -, « THE STRANGERS » – qui aurait dû être en compét – ne laisse pas indemne et hante longtemps.
Quel bonheur.
LA FILLE INCONNUE (Compétition Officielle) (sortie prévue le 12 octobre)
de Luc et Jean-Pierre Dardenne (Adèle Haenel, Olivier Bonnaud, Louka Minnella)
Un soir, après l’heure de fermeture de son cabinet, Jenny, jeune médecin généraliste, entend sonner mais ne va pas ouvrir. Le lendemain, elle apprend par la police qu’on a retrouvé, non loin de là, une ado morte, sans identité. Se sentant responsable, Jenny va enquêter pour en savoir plus…
Le naturalisme chez les Dardenne est un sujet auquel on peut s’intéresser si l’on prend comme postulat de départ que ce n’est jamais la même chose.
Problème, c’est toujours le même refrain.
Parfois, ça passe (rarement), parfois, ça casse (souvent).
Après l’insupportable « DEUX JOURS, UNE NUIT », ils reviennent sur la croisette.
Entre une esthétique toujours aussi laide, des interprètes neutres et peu convaincants, un scénario con, des répliques risibles, nous ne sommes pas loin d’un mauvais épisode de Derrick où celui-ci serait allé consulter son toubib.
Non, vraiment, cette « FILLE INCONNUE » aurait mérité de le rester.
GRAVE (Semaine de la Critique) (sortie indéterminée)
de Julia Ducournau (Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella)
Le cannibalisme dans le cinéma étranger, que d’oeuvres admirables : « VORACE » de Antonia Bird, « ANTHROPOPHAGOUS » de Joe D’Amato, « SOLEIL VERT » de Richard Fleischer, « LE SILENCE DES AGNEAUX » de Jonathan Demme, « BRAINDEAD » de Peter Jackson, « FEUX DANS LA PLAINE » de Kon Ichikawa…
En France, la patrie de la bonne bouffe, quelques titres comme « DELICATESSEN » du duo Jeunet/Caro, « LA NUIT DE LA MORT » de Raphaël Delpard – avec une Charlotte de Turckheim en casse-croûte pour vieux affamés.
Pourtant deux métrages hexagonaux imparables prennent le sujet à bras-le-corps : « TROUBLE EVERY DAY » de Claire Denis et « DANS MA PEAU » de Marina De Van.
Julia Ducourneau, après son saisissant court « JUNIOR, passe au long métrage et s’inscrit de plein pied dans la continuité des deux titres évoqués juste auparavant.
Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature…
Utilisant une ironie toute personnelle, captant avec intelligence les affres de la fin de l’adolescence et ce besoin impétueux de s’affirmer, allant jusqu’au bout de son propos et l’assumant totalement, ne lésinant pas sur le sanguinolent, et instaurant une ambiance prenante, Julia Ducournau – 32 ans – s’affirme d’emblée comme l’un de nos espoirs les plus crédibles en un 7e art frenchie décomplexé et ambitieux.
Ça le fait « GRAVE » !