HIPPOCRATE
de Thomas Lilti (Vincent Lacoste, Reda Kateb, Jacques Gamblin)
Hippocrate le Grand, grec, né vers 460 av. J.-C dans l’île de Cros est considéré comme le « père de la médecine ». Son « serment » a imposé les règles éthiques que tout docteur se doit de respecter.
Ok. Et donc ?
Ben, c’est un peu le sujet du nouveau film de Thomas Lilti, présenté en clôture de la Semaine de la Critique en mai dernier, « HIPPOCRATE », vu que l’on suit les tribulations de deux internes, Benjamin (Vincent Lacoste), atterrissant dans le service de son père et Abdel (Reda Kateb), un étranger, plus expérimenté que lui. Notre duo n’est pas au bout de ses surprises…
La médecine au cinéma a connu des traitements divers que cela soit, par exemple, dans le registre comique avec « MASH » de Robert Altman ou bien le fantastique, avec le curieux « LE TOUBIB » de Pierre Granier-Deferre où Alain Delon tentait d’exercer son métier sur fond de conflit mondial indeterminé.
Auteur précedemment de « LES YEUX BANDES », un drame autour d’un serial-killer, Lilti, inspiré par sa propre expérience d’étudiant-médecin, signe là une oeuvre profonde, réaliste et sensible sur la psyché humaine confrontée à divers obstacles.
Le duo Lacoste/Kateb est étonnant, tout en gravité : l’un – échappé des « BEAUX GOSSES » – face à ses peurs, ses doutes, avec un papa aux abonnés absents (Gamblin, impeccable) et l’autre – à l’affiche prochainement du décevant « QUI VIVE » de Marianne Tardieu – jouant son va-tout professionnel.
Comme dans la série URGENCES, ici, on ne triche pas et l’on se surprend à ressentir de l’empathie pour l’ensemble des personnages mêmes les plus désagréables.
« HIPPOCRATE » est grand.
DÉLIVRE-NOUS DU MAL
de Scott Derrickson (Eric Bana, Edgar Ramirez, Sean Harris)
Enième-énième-énième-énième-énième-énième-énième-énième-énième-énième-énième-énième resucée de « L’EXORCISTE », « DÉLIVRE-NOUS DU MAL » narre la rencontre d’un flic, le sergent Ralph Sarchie (Eric Bana) et d’un ex-junkie devenu prêtre (Edgar Ramirez). Tous deux vont devoir, en plein Bronx, affronter le pire ennemi qu’ils puissent rencontrer…
Ayant déjà auparavant réalisé un long-métrage en rapport avec la possession démoniaque, l’honnête « L’EXORCISME D’EMILY ROSE », son meilleur (mais il n’y a pas de mal vu la médiocrité de son remake du chef-d’oeuvre de Robert Wise « LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA » et son surestimé et pas terrible « SINISTER »), Scott Derrickson a cru pouvoir récidiver.
Que nenni.
S’empêtrant dans un canevas vu et revu – un personnage incrédule se laissant convaincre peu à peu par un tiers et les phénomènes auxquels il se frotte – bien mieux traité ailleurs (confère l’hilarant « EL DIA DE LA BESTIA » du satané Alex de La Iglesia), l’ami Scott patine sur place.
Peinant à instaurer une ambiance poisseuse et délétère, parasitée par des dialogues plats et des protagonistes en lesquels on peine à croire malgré un solide casting (mention spéciale au prêtre, boxeur à ses heures, ce qui ne lui servira à rien), le réalisateur n’arrive que quelques trop rares fois à créer un malaise palpable.
Inutile.
MAINTENANT OU JAMAIS
de Serge Frydman (Leïla Bekhti, Nicolas Duvauchelle, Arthur Dupont)
Juliette (Leïla Bekhti), maman de deux enfants, est en couple avec Charles (Arthur Dupont). Ce dernier perd son emploi dans une banque. Ayant contracté un crédit pour l’achat d’une maison, l’emprunt leur est refusé. Juliette, refusant de voir ses rêves s’envoler, décide, avec l’aide de Manuel (Nicolas Duvauchelle), un voyou à la petite semaine, de dérober le fond de plusieurs distributeurs de monnaie…
Scénariste et ancien complice de Patrice Leconte, Serge Frydman, grâce à sa productrice, est passé derrière la caméra en 2004 avec le joli «MON ANGE» qui donnait à Vanessa Paradis un rôle intéressant.
« MAINTENANT OU JAMAIS » fait plaisir pour plusieurs raisons.
D’abord, voici un metteur-en-scène qui n’hésite pas à se confronter à ses glorieux ainés, Hitchcock et Claude Sautet en tête, et y arrive tout en conservant un ton bien à lui.
Ensuite, des comédiens au diapason, à fleur de peau. Le tandem Bekhti/Duvauchelle, sorte de « LA BELLE ET LE CLOCHARD », évoque la relation qui transpirait à l’écran entre Romy Schneider et Michel Piccoli période « MAX ET LES FERRAILLEURS ».
Enfin…
Et puis zut, courrez-y !
Les DVDs de la semaine : « VALDEZ » de Edwin Sherin chez SIDONIS/CALYSTA, « DREAMSCAPE » de Joseph Ruben chez CARLOTTA…
Continuant, inlassablement, un travail admirable dans leur collection « Western de légende », SIDONIS/CALYSTA exhume, ou bien édite pour la première fois sur support numérique, tout un pan de la série B américaine magnifiant la grande épopée de l’Ouest américain.
Parmi les derniers titres disponibles, outre le sympathique « 3000 DOLLARS MORT OU VIF » d’Alfred E.Green, petit maître attachant, avec un Joel McCrea campant un cow-boy dont la tête est mise à prix suite au vol d’une somme lui permettant de sauver le ranch de son père, « VALDEZ » s’impose d’emblée comme l’immanquable.
Ayant acquis, au fil des ans, une certaine réputation, notamment due à une violence exacerbée et difficilement visible, voici enfin l’occasion de le visionner dans des conditions optimum de par une copie magnifique.
Valdez, un shérif mexicano-étatsunien, abat, en état de légitime défense, un noir, qu’un grand propriétaire terrien, Frank Tanner, accusait de meurtre. Pris de remords d’avoir fait une veuve, il décide d’aller collecter un peu d’argent pour elle. Essuyant refus sur refus, Valdez décide d’aller demander directement à Tanner. Ulcéré par son audace, celui-ci le fait malmener par ses hommes qui l’attache à une croix avant de l’abandonner dans la nature…
Datant de 1970, « VALDEZ » est symptomatique de son époque. Supplanté principalement par son cousin italien lorgnant alors vers la dégénérescence, le western hollywoodien tente de réagir en venant tourner en Espagne.
Adaptant un roman d’Elmore Leonard (3H10 POUR YUMA, JACKIE BROWN), Edwin Sherin, auteur seulement d’un autre film engagé contre la guerre, livre un vibrant plaidoyer antiraciste sans concession avec quelques allusions au conflit du Vietnam. Burt Lancaster, en métis, trouve là un de ses rôles les moins connus et cependant les plus mémorables, à l’instar d’un Robert Mitchum avec « LA COLÈRE DE DIEU » de Ralph Nelson.
Tavernier, Brion et le trop rare Yves Boisset interviennent en bonus.
Depuis peu, SIDONIS a également débuté une nouvelle collec dévolue aux « CLASSIQUES DE LA SCIENCE-FICTION ». Trois titres pour l’instant dont le rigolo « LIFEFORCE » (1985) de Tobe Hooper avec une Mathilda May en extraterrestre dangereuse mais sexy à souhait et le savoureux « LA RÉVOLTE DES TRIFFIDES » (1963) de Steve Sekely, d’après un écrit de John Wyndham (LES COUCOUS DE MIDWICH qui deviendra sur toile « LE VILLAGE DES DAMNÉS »). Des plantes mutantes, amatrices de chair humaine, envahissent la Terre.
CARLOTTA aussi peut s’enorgueillir de rassasier le cinéphile affamé avec « DREAMSCAPE »
de Joseph Ruben.
Alex Gardner, un jeune homme utilisant ses pouvoirs psychiques hors du commun pour mener une vie dissolue entre courses hippiques et conquêtes féminines, est recruté par son ancien mentor, le docteur Paul Novotny, pour l’assister dans ses expériences sur les rêves. En effet, ayant mis au point une technique pour pénétrer dans les cauchemards de ses patients et les guerir de leur peur, il a besoin d’un élément extrêmement doué…
Sorti en 1984, « DREAMSCAPE » est un film incroyable et précurseur car le septième art n’a pas attendu Christopher Nolan et son « INCEPTION » pour se pencher sur l’onirologie. En même temps n’oublions pas ce cher Freddy Krueger qui faisait, alors, déjà des siennes.
Excellents effets spéciaux old-school réellement immersifs, musique intéressante de Maurice Jarre, histoire bien plus grave qu’il n’y paraît au premier abord, un juvénile Dennis Quaid (interviewé dans les suppléments) dans ses grandes heures (« L’AVENTURE INTÉRIEURE » suivra rapidement), Max Von Sydow forcément en savant, tout contribue à un fabuleux voyage dans le passé de ces années 80 si souvent décriées et pourtant fondamentales.